Importantes actualités dans les sciences cette semaine : les physiciens du laboratoire de recherche européen du CERN, en Suisse ont trouvé des preuves de l’existence d’une particule subatomique très recherchée : le boson de Higgs. C’est une découverte majeure.
Les physiciens essayant de comprendre la nature fondamentale du cosmos ont longtemps travaillé sur ce qui est appelé « le modèle standard de la physique » pour décrire la structure de la matière et les interactions des particules. Mais le modèle qui s’est montré dans l’ensemble apte à expliquer les résultats des observations en conformité avec les prédictions mathématiques bute sur une difficulté. Sans le boson de Higgs ou quelque chose d’approchant, le modèle mènerait les physiciens à conclure que toutes les particules devraient, tout comme le photon (une sorte de « paquet » de lumière), avoir une masse nulle.
Mais des tas de particules ont une masse, comme en témoignent les tables autour desquelles les physiciens s’assoient pour discuter de leur théorie. Donc, il y avait un problème : si le modèle est juste comment se fait-il qu’il y a quelque chose de matériel, le monde qui nous entoure, plutôt que rien ?
Dans les années 60, un physicien britannique a suggéré l’existence d’un champ physique bien particulier qui se serait formé alors que l’Univers se refroidissait, il y a environ 13,7 miliards d’années. Les particules passant à travers ce champ y auraient gagné leur masse en résultat d’une interaction avec le champ.
La pénétration de l’hypothétique champ de Higgs dans tout l’univers, de pair avec son rôle central pour expliquer comment la réalité physique peut exister – ce qui peut être considéré comme la version science de la transcendance et de l’immanence – a valu au boson un surnom : la « particule de Dieu ».
Beaucoup reste encore à vérifier, et les scientifiques se sont généralement montrés prudents dans leurs rapports. Ils spécifient que la particule est similaire au boson de Higgs, mais que ce pourrait être une nouvelle particule inconnue jusqu’alors. Même si la particule n’est pas le boson de Higgs mais quelque chose d’analogue, c’est un développement majeur car il peut clarifier (ou compliquer) le modèle standard.
Les catholiques devraient accueillir favorablement cette avancée dans la compréhension du cosmos. « Cela indique que la réalité est plus profonde, plus riche et plus étrange que notre vie de tous les jours » a expliqué l’astronome du Vatican, le frère Guy Consolmagno.
Dieu n’est pas une particule bien sûr. Il est un être complet, entièrement autre. Nous avons maintenant une meilleure idée de ce qu’est la réalité physique de la création faite par Dieu. « La recherche scientifique fondamentale, tout comme la recherche appliquée, est une manifestation importante de la domination de l’homme sur la création », c’est ce que nous enseigne le Cathéchisme de l’Eglise Catholique. La découverte de cette semaine est aussi fondamentale qu’une recherche peut l’être.
Le professeur Gordon Kane, de l’université du Michigan a commenté « [si l’on remonte à Galilée et Kepler] une recherche vieille de 400 ans pour décrire le monde visible vient de s’achever. Cela complète le modèle standard. »
On pourrait gentiment faire remarquer que la recherche pour comprendre le monde qui nous entoure a débuté il y a bien plus longtemps que 400 ans. La méthode scientifique qui a permis les extraordinaires avancées de ces quatre siècles émane de la pensée catholique, ainsi que l’observe le père Stanley Jaki.
Mais les propos que tient le professeur Kane sont dignes d’attention, d’une certaine manière : il dit clairement que le boson de Higgs et le modèle standard nous aident à expliquer ce que nous voyons. Savoir s’il croit qu’il y a plus que l’univers physique visible, c’est une autre histoire. Mais au moins il ne saute pas à la conclusion que le modèle standard explique nécessairement tout ce qui nécessite une explication.
C’est une distinction fort importante. Certains des articles relatant les événements ont dit que cette découverte expliquait « pourquoi nous existions. » En fait, non. Elle explique comment nous pouvons exister dans notre corps fait de matière, comment toute la matière de l’univers peut exister, puisque le modèle standard semble réussir à expliquer la matière et les interactions des particules.
Le « pourquoi » de notre existence n’est pas du ressort du CERN. L’Église – et, de façon générale, la croyance au surnaturel – sont réputées être en conflit avec la science. Ce n’est pas vrai. Mais l’Église est en conflit avec un scientisme matérialiste qui croit que toute réalité est observable empiriquement et testable, et qu’aucune autre question ne mérite qu’on se la pose.
Le scientisme est mortel. Walker Percy a écrit : « La conscience de l’occidental, surtout du profane, a été déformée par un curieux malentendu concernant la méthode scientifique. On est tenté d’utiliser le terme théologique « d’idolâtrie ». Ce malentendu, qui n’est pas de la faute de la science mais qui résulte du triomphe de la vision scientifique du monde… prend la forme d’une perte de souveraineté radicale et paradoxale du profane et un appauvrissement radical des relations humaines. »
Il était donc merveilleux d’entendre l’exaltation des scientifiques, de les voir sacrifier au rituel du champagne, d’assister à la stupéfaction de Higgs que cette découverte ait eu lieu de son vivant.Ils ont marqué un succès dont l’émerveillement peut nous conduire à user de notre raison pour chercher la vérité.
Mon préféré parmi les commentaires faits à cette occasion vient de Maria Spiropoulou, de Cal Tech : « Je ne tiens pas spécialement au modèle standard — je ne veux pas qu’il soit simple, ou symétrique, ou tel que prévu. Je désire que nous ayons réussi une partie complexe qui me fasse — qui nous fasse tous — progresser pour un bon bout de temps. »
Le boson de Higgs a peut-être été trouvé, mais notre capacité à nous émerveiller, notre joie à explorer les mystères de la création demeurent.
Joseph R. Wood est un ancien fonctionnaire de la Maison Blanche qui a travaillé dans le service de politique étrangère, incluant les relations avec le Vatican.
photo : l’accélérateur de particules « Large Hadron Collider » du CERN qui a permis les expériences menant à cette découverte. La circonférence fait près de 27 km.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/all-things-visible-and-invisible-celebrating-the-god-particle.html