La rentrée parlementaire d’hier a donc obéi au cérémonial traditionnel qui accompagne l’élection du président de l’Assemblée nationale. C’est toujours comme un moment de respiration qui précède le face-à-face des camps et leurs premières escarmouches. L’unité se trouve célébrée autour d’un doyen qui se garde bien dans son discours inaugural d’attiser les passions. François Scellier a ainsi rendu hommage à sa maman centenaire et a cité Tocqueville et Todorov, en se situant sur des hauteurs consensuelles. Qui s’en plaindrait ? De même, la plus jeune des parlementaires, Marion Maréchal-Le Pen, accueillait ses nouveaux collègues venus déposer leur bulletin dans l’urne sans qu’on lui manifeste aigreur ou hostilité. Mais ce n’est qu’une parenthèse. Une fois Claude Bartolone installé au perchoir, les discussions vont redevenir clivantes et les partis vont structurer les débats en raison de leurs idéologies, de leurs intérêts et de leur soutien ou de leur opposition au gouvernement.
Le doyen a semblé manifester comme un soupçon de regret à l’égard de la logique partisane en rappelant la primauté de l’intérêt général. Mais peut-on concevoir une vie parlementaire sans organisations civiques bien structurées ? Pour la première fois, je crois, la Constitution de la Ve République leur a reconnu un rôle indispensable dans l’expression du suffrage et l’animation de la vie politique. Ce n’était pas l’avis de la philosophe Simone Weil qui avait explicitement réclamé l’abolition des partis qui, selon elle, faussaient cet exercice du bien commun en répondant à des logiques perverses. Mais elle montrait là un souci certes louable mais bien difficile à satisfaire, même si elle n’était pas loin d’un Jean-Jacques Rousseau désireux d’unir un même peuple au-delà des intérêts individuels et catégoriels.
Qui plus que de Gaulle s’est insurgé contre l’esprit partisan qui avait empoisonné la IIIe et la IVe République ? Il n’en avait pas moins admis en 1958 qu’on reconnaisse aux partis le droit d’exercer pleinement leur fonction. À ces partis de se montrer dignes de leur mission, en s’ouvrant notamment à un dialogue riche et exigeant. C’est tout ce qu’on peut souhaiter à cette Assemblée qui devra affronter bien des orages et prendre des décisions graves, sur lesquelles elle sera jugée par la postérité.