Passer d’une culture d’opposition à une pratique de gouvernement, c’est ce que François Hollande et son équipe sont en train d’expérimenter. Ils ont connu certes un temps de latence avec les élections législatives. Mais les voilà maintenant au cœur du sujet. Les rôles ont donc changé. L’opposition hier au pouvoir était la cible des critiques socialistes. Elle va devoir se refaire une santé dans les interpellations à l’Assemblée et les déclarations corrosives dans les studios du matin. Les deux camps ont interverti leurs fonctions, et ce faisant, leurs dirigeants ont changé de métier. Ainsi le veut le jeu de nos institutions quand l’alternance est décrétée par les électeurs.
Premier effet de cette permutation : l’appareil socialiste a quitté la rue de Solferino pour se disperser dans les palais nationaux, les hôtels des ministères, tous les lieux de pouvoir. Il faudra sans doute compenser la perte des effectifs, car la maison mère devra quand même être tenue. Seconde conséquence : les nouveaux ministres, hommes et femmes à parité, qui pour la plupart n’avaient jamais assumé ce degré de responsabilité, ont été rejoints par des états-majors de technocrates et d’experts, qui ne seront pas seulement des conseillers, car ils dirigeront fermement les administrations, tout en encadrant leurs propres patrons. L’appareil ancien du gouvernement Jospin et même les cadres du mitterrandisme ont donc rejoint leurs quartiers, pas mécontents d’y retrouver le personnel et leurs habitudes. C’est qu’on ne fait pas un gouvernement avec les seuls militants. Et on ne gouverne pas sans compétences techniques, sans réseaux dans la vie civile, les grands corps de l’État et aussi le monde des affaires. De ce point de vue, le parti socialiste est beaucoup mieux armé que ses alliés de gauche, écologistes et communistes. Lui seul est en mesure de rivaliser avec la droite de gouvernement. Reste à savoir comment il va réellement marquer sa différence. Déjà, François Hollande a pu ressentir dans les grands rendez-vous internationaux, qui l’ont beaucoup occupé ces dernières semaines, comment la lutte était âpre entre puissances. Il a même confié qu’il s’était aperçu à quel point les relations s’étaient dégradées avec la crise. Sur le plan intérieur, après les quelques cadeaux électoraux, il va falloir s’appliquer à une réforme drastique des dépenses, qui ressemblera beaucoup à ce qu’avait commencé Nicolas Sarkozy. Mitterrand avait mille fois raison d’affirmer qu’avec la prise du pouvoir enfin les vraies difficultés commençaient.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 25 juin 2012.