Il y a peu, alors que j’étais en Angleterre, je me suis entretenu avec une Anglaise cordiale, anglicane, dont le mari est catholique, et qui a décidé de ne pas éduquer leur fille dans la religion catholique parce que, selon elle, « il lui serait simplement impossible d’élever sa fille dans une religion qui interdit la contraception. »
Cela m’a fait penser à cette scène du film des Monty Python Le Sens de la vie, dans laquelle un mari protestant dit à sa femme en regardant les hordes de petits catholiques dans la maison de l’autre côté de la rue :
« – Regarde ces bougres de cons de catholiques, ils pondent des flopées de gosses à la con qu’ils ne sont même pas foutus de nourrir.
– Nous sommes quoi, nous ?
– Protestants, et foutrement fiers de l’être.
– Pourquoi est-ce qu’ils font tellement d’enfants ?
– Parce que chaque fois qu’un couple a un rapport sexuel, crac, ils ont un bébé.
– Mais nous c’est pareil, Harry
– Qu’entendez-vous par là ?
– Eh bien, comme vous savez, nous avons deux enfants et nous avons eu deux rapports sexuels.
– Mais ça n’a rien à voir. On aurait pu avoir autant de rapports qu’on voulait.
Ah oui ? , demande sa femme quelque peu intriguée.
– Oui, répond son mari, guindé et provoquant à la fois, et continuant à insister fermement sur les avantages de la contraception. Cela montre qu’être un vrai protestant est un avantage. Voilà une église que je comprends. Voilà une Église qui convient à tous ceux qui respectent l’individu et le droit de l’individu à décider pour lui, qu’il soit homme ou femme. Quand Martin Luther a rendu publique sa protestation en l’an 1517, il se peut fort bien qu’il ne se soit pas rendu compte de la portée de son geste, mais, 400 ans se sont écoulés et, grâce à lui, ma chère, j’ai le droit d’enfiler sur mon petit compère ce qu’il me plait. »1
Après 400 ans, il semble bien parfois qu’être protestant — en fait, parfois être Américain — se résume à ceci : la contraception. Je ne suis pas sûr que cela plairait à Luther.
Quoi qu’il en soit, je n’ai pu m’empêcher de penser que c’était une étrange idée chez une mère. Penchée sur sa petite fille qui jouait dans son berceau, la petite fille contemplant sa mère avec ses grands yeux ronds, à ce moment-là sa mère se disait — que se disait-elle ? :
« Je ne peux pas élever cette enfant dans la religion catholique parce que je veux être sûre qu’elle puisse avoir des rapports sexuels avec des hommes qui ne sont pas liés à elle de manière durable ? »
« Je veux que ma fille devienne objet de plaisir sexuel à disposition des hommes et qu’elle ne les ennuie pas avec ses problèmes de (beurk) fertilité ? »
« Je ne peux pas supporter l’idée que ma pauvre petite fille n’aurait pas droit aux plaisirs de la fornication ? »
Non, je ne pense pas qu’aucune de ces pensées ne lui ait traversé l’esprit, du moins pas de manière explicite, même si c’étaient là les conséquences de ce qu’elle désirait néanmoins pour sa fille.
Non, je suppose qu’elle se rappelait à elle-même « le respect de l’individu et du droit de l’individu à décider ». Mais qui décide vraiment ? Est-ce que la contraception n’est pas assez souvent simplement un argument supplémentaire utilisé par les hommes pour mettre les femmes dans leur lit ? Quoi d’autre pourrait expliquer que les plus fervents partisans de la contraception soient des hommes de 14 à 35 ans ?
Ce qui était vraiment intéressant en ce qui concerne cette Anglaise, cependant, c’est sa réaction quand a été évoqué l’islam. « Oh non, l’islam est une religion vraiment merveilleuse, a-t-elle insisté, tant de gens se trompent quand il s’agit de l’islam. Je serais ravie que ma fille devienne musulmane. »
Vraiment ? Les foulards ? Les Burquas ? le mariage des petites filles ? Le divorce pour les hommes mais pas pour les femmes ? Je ne voulais pas la décevoir en lui rappelant que les musulmans ne voient pas non plus la contraception d’un très bon œil. Ou que les musulmans ont été les principaux alliés du Vatican dans sa tentative d’empêcher que les Nations Unies n’introduisent massivement en Afrique des contraceptifs et des services d’avortement.
Comme notre sympathique mère anglaise, j’ai également beaucoup de respect pour l’islam, mais son approbation de l’islam me semblait étrange pour quelqu’un qui ne voulait pas que sa fille soit catholique à cause de ce qu’elle considérait comme sa position « restrictive » en matière de sexualité.
C’est George Orwell dans La Ferme aux Animaux qui a formulé cette phrase : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». À notre époque de pluralisme ostensible en matière de respect de l’autre, il semble que certains autres soient plus autres que d’autres.
Quand une sorte d’autre est suffisamment éloignée et suffisamment différente de nous pour sembler exotique et étrange, disons l’islam, mais ce pourrait d’ailleurs être le communisme ou l’hindouisme ou le cannibalisme, nous nous félicitons d’avoir suffisamment d’ouverture d’esprit pour y adhérer.
L’autre sorte « d’autre », cependant, est trop proche, nous ressemble trop pour que nous ressentions son « altérité ». C’est une semblable sorte de « clairvoyance » qui nous fait trouver si « adorables » et si « colorés » les dysfonctionnements des familles des autres, tandis que les petits défauts de nos propres familles demeurent agaçants au plus haut point. La familiarité engendre le mépris.
On aurait pu souhaiter que le culte actuel multiculturel de l’autre soit apparu à une génération antérieure ou les catholiques étaient alors pourchassés en Angleterre et en Irlande. Si cela avait eu lieu à une époque plus adéquate, les catholiques d’alors auraient pu fièrement revendiquer le statut de l’autre maltraité. Peut-être qu’alors on aurait trouvé que le catholicisme était « cool » plutôt que de lui faire subir la discrimination.
Et là encore, peut-être que ce n’aurait pas été le cas. Le catholicisme est dur — il formule des exigences graves — et cela n’est jamais très populaire.
Pourtant, il y a sans doute ici ici une ouverture pour l’Église d’aujourd’hui. Plutôt que d’essayer de convaincre tout le monde qu’il n’y a rien d’étrange ou de différent, ou de contre-culturel dans le catholicisme, sans doute devrions-nous nous orienter dans la direction opposée : essayer de persuader tout le monde que le catholicisme est la chose la plus étrange et la plus radicalement différente qui existe — qu’il est, en fait, la seule façon d’être véritablement contre-culturel, d’être véritablement autre que ce que le monde essaye de nous forcer à être.
Non seulement cette attitude aurait au moins une chance d’être meilleure que celle qui consiste à dire : « Ne vous inquiétez pas pour nous, nous sommes comme tout le monde, vous savez ». Elle aurait également au moins la vertu d’être honnête.
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Randall Smith est professeur de théologie associé à l’Université de St. Thomas, à Houston.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/some-are-more-other-than-others.html
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Tableau : Les Ages de l’ouvrier (panneau central) par Léon Frédéric (1895) Musee d’Orsay, Paris