Défié ?, le défi Dawkins ? - France Catholique
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La justice de Dieu
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Défié ?, le défi Dawkins ?

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Mon récent article sur le défi lancé par Richard Dawkins à la doctrine catholique de la transsubstantiation a suscité bien des réactions étonnantes, surprenantes. L’avalanche de commentaires s’explique en partie par le lien établi par le site Web de Dawkins avec mon article peu après sa parution. La réaction sur ce site était musclée, et certains commentateurs ont sauté le fossé pour écrire chez nous.

Mon article abordait bien plus de sujets que la transsubstantiation. Certes,je ne pouvais, sur l’espace restreint d’un article, présenter une analyse complète de la doctrine catholique. J’aimerais maintenant insister — ré-insister — sur quelques points saillants afin d’aider, du moins je l’espère, à calmer les vagues du cyberespace, mais aussi apporter un peu plus de lumière sur un débat trop souvent mal cadré.

Qu’au cours de la Messe le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ, que le Christ soit réellement présent sous la forme du pain et du vin, c’est une question de foi pour les Catholiques. La croyance en la présence réelle repose sur l’interprétation des récits bibliques de la Cène, interprétation officialisée ainsi au Quatrième Concile de Latran (1215) et au Concile de Trente (1545 – 1563).

La doctrine de la transsubstantiation éclaire ce que nous croyons. Elle n’est pas la preuve de la présence réelle du Christ. En fait, la preuve est impossible à établir; ce serait une double erreur, de raison et de foi, de prétendre le contraire. Bien des aspects de la foi chrétienne — par exemple, la Trinité, la divinité du Christ — ne peuvent être prouvés par le raisonnement. Les théologiens tentent, par la philosophie, d’expliquer ces vérités de foi.

De telles explications illustrent le souci du catholicisme de joindre raison et foi, souci enraciné dans l’idée qu’un conflit serait impossible entre ce que la foi révèle et ce que la raison expose. Après tout, pour un croyant, Dieu est l’auteur de toute vérité — de raison et de foi. Les conflits éclatent (et ça arrive) quand des erreurs sont commises dans l’un ou l’autre de ces domaines, ou dans les deux à la fois.

Certains me reprocheront d’avoir parlé de la « vérité de foi », expression qu’ils contestent aussitôt. Mais ils ne devraient pas trouver étrange que les Chrétiens considèrent que la foi est la véritable source de connaissance de Dieu et du monde.

Pour les Catholiques, rendre compréhensibles les croyances implique l’exploration des sciences naturelles, de la philosophie et de la théologie. Pour soutenir des arguments sur l’intelligibilité des croyances, ou même pour réfuter ces arguments, il vous faut admettre qu’en plus des sciences on dispose d’autres disciplines ouvrant la porte aux réalités. Si pour vous la philosophie et la théologie ne consistent qu’en opinions, et, de plus, immatérielles, il faut répondre d’abord à cette opinion avant d’examiner le moindre argument sur l’intelligibilité d’une croyance spécifique telle que la transsubstantiation.

Une discussion philosophique (sur la substance, l’évènement, la matière, le corps, les changements, etc…) est littéralement impossible avec une personne qui refuse les principes fondamentaux de la philosophie, ou qui ramène tous les principes initiaux à la science. Puisque ces principes sont « premiers », ils précèdent la preuve, et n’en résultent donc pas. En discuter peut donc souvent être frustrant. Comme le remarquait Aristote: si vous vous étranglez avec de l’eau, avec quoi vous rincerez-vous le gosier?
Prétendre qu’une croyance ne peut en principe être rendue compréhensible parce que c’est une croyance est exprimer une idée philosophique méritant examen. Le rejet des opinions de foi au prétexte qu’elles n’ont pas d’origine scientifique nous inciterait à admettre l’idée non vérifiable que seule la science peut nous faire toucher la vérité. Derrière cette idée s’en cache une autre, réduisant indûment le réel à ce qui est matériellement et empiriquement vérifiable.

Il est vrai que même si vous soutenez qu’on peut rendre intelligibles les croyances, il ne s’ensuit pas qu’on y réussisse à tout coup (exemple: la transsubstantiation. Il y faut une analyse distincte et il y a eu bien des débats animés au cours des siècles parmi les croyants pour saisir comment comprendre la présence réelle.

La confusion de termes fondamentaux marque bien des commentaires sur mon précédent article. J’ai ailleurs commenté les conclusions relatives au « néant » d’où Lawrence Krauss [physicien Canadien athée] tire sa cosmologie. De même que les diverses significations du mot « néant » nous incitent à tenter de comprendre le langage propre des physiciens, l’analyse des thèses de philosophie et théologie sur des questions telles que le « corps » du Christ et la « présence réelle » invite à porter une attention particulière sur le vocabulaire propre à ces disciplines.

Les sciences, la philosophie, et la théologie, regorgent d’erreurs lorsqu’on est trompé par « l’unicité du sens des mots », comme si nous pensions que les mots employés, même les plus simples, n’ont qu’une unique signification. Exemple: un chien connaît son maître. Un homme connaît le nom de son chien. Dieu connaît le peuple de Sa création. Nous employons à juste titre le verbe « connaître » dans ces trois cas, et, pourtant si c’est le même mot, la signification en est totalement différente. La signification a un caractère analogique.

Une fonction importante de la philosophie est de nous aider à mieux comprendre le fonctionnement de l’analogie, pour saisir, par exemple le sens particulier de: « le corps du Christ, réellement présent dans l’Eucharistie ». Si, encore, vous pensez que philosopphie et théologie sont des constructions mythiques, alors leur vocabulaire devient vide, une sorte de néant linguistique. Mon précédent article tentait, entre autres, de soulever ces vastes questions pour montrer quels sujets doivent être abordés avant de les démolir.

Il faut adopter des points de départ communs pour qu’une discussion ne tourne pas en un hurlant pugilat. Ces incrédules qui rabaissent la philosophie et la théologie au niveau de « simples joutes verbales », ou qui pensent que la religion ne peut être source de vérité, ont le devoir de consolider leur argumentation.

La controverse sur la transsubstantiation avec Richard Dawkins a grandement découlé du manque d’attention à porter aux idées avant d’en discuter.

William E. Carroll

La Cène – Carl Bloch, 1876