Que va devenir l’Égypte ? Les accents triomphants qui accompagnaient les premières heures du printemps arabe ne sont plus de mise. Aucune des promesses attendues ne s’est encore réalisée. Et ce qui est vrai de la première puissance arabe l’est également en ce qui concerne les autres pays dont l’évolution est aussi problématique. Que l’on songe à la Tunisie, qui semblait pourtant la mieux partie vers un renouveau de ses institutions. Que l’on songe surtout à la Syrie plongée dans la guerre civile, où le régime sanglant d’Assad n’a pas encore plié devant la révolte et où la relève politique éventuelle s’avère incroyablement compliquée. J’avais confié dès le départ mon scepticisme devant ces mouvements incontestablement populaires, non pour leur dénier toute légitimité et tout espoir, mais par réalisme élémentaire, craignant l’illusion lyrique qui transformerait une situation complexe par la vertu d’un dénouement magique. Pourtant, il y avait et il y a toujours l’évidence d’une jeunesse massivement rassemblée contre des régimes qui ne correspondent en rien à son attente et se trouvent définitivement discrédités par la corruption, l’injustice, les méthodes totalitaires.
À l’heure où on apprenait que l’ancien président Moubarak était entré dans un coma profond, dont on ne pouvait préciser s’il était déjà mortel, je lisais le témoignage d’un universitaire d’origine égyptienne, qui me révélait la nature profonde d’une société. Avouons que souvent nous connaissons mal ces peuples méditerranéens qui nous sont pourtant si proches. Moi-même, je me suis aperçu que j’avais fait confiance à des hommes comme Sadate et comme Moubarak, à cause du rôle positif qu’ils avaient joué dans la paix établie entre Égypte et Israël. Cela masquait l’état réel de leur peuple et le fonctionnement de leur régime. Mais le témoignage dont je parle va plus loin encore dans l’analyse, en mettant en lumière les défauts profond d’une société, auxquelles jusqu’ici seuls les fondamentalistes ont prétendu porter remède. Ceux qui nous semblent les plus proches de nos mentalités et de nos mœurs ont sans doute joué un rôle moteur dans la révolte, mais ils sont une minorité. On le voit bien avec les rapports de force que révèlent les élections égyptiennes. Élections d’ailleurs remises en cause par l’armée. L’après Moubarak n’est pas encore écrit, mais il ne ressemblera pas à la couleur de nos rêves.