Gardiens de notre propre humanité - France Catholique
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La justice de Dieu
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Gardiens de notre propre humanité

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Dans Turing’s Cathedral (la cathédrale de Turing) 1, George Dyson, l’auteur, conclut ceci : « Google cherchait à déterminer ce que pensaient les gens et il est devenu la pensée des gens. Facebook a cherché à représenter le graphique social et il est devenu le graphique social. Les algorithmes développés pour modéliser les fluctuations des marchés financiers ont pris le contrôle de ces marchés, écartant les humains. » J’insiste à dessein sur certains termes. Dyson et d’autres se réfèrent au flot de gens qui abandonnent leurs opinions sur le monde (et donc leurs responsabilités morales) à des systèmes générés par des logiciels informatiques, et qui le font avec l’enthousiasme de lemmings se précipitant du haut d’une falaise. Pour conserver leur caractère propre et agir en adéquation, les êtres humains ont besoin d’apprendre à se connaître eux-mêmes et à connaître le monde réel – non celui qu’une bande d’ingénieurs (qui n’ont souvent aucune philosophie et pis encore aucune théologie) ont assemblé via leurs algorithmes. Cela s’applique aussi bien à ce que les gens regardent à la télévision. Combien de gens n’ont pour seule source d’information que le Daily Show de John Stewart ? Quel est son programme quand il commente les événements et manipule subtilement l’information que reçoivent les gens ? Nous sommes les gardiens de notre propre humanité. Mais pour cela, nous avons besoin de lumières venant d’autre part — ou plutôt de Quelqu’un d’autre. Dans la préface de A Man of All Seasons (Un homme pour toutes les saisons), Robert Bolt dit : « nous n’avons plus, ainsi que l’avaient les sociétés passées, aucun modèle d’homme (stoïcien, chrétien, rationaliste) à qui nous identifier et à qui nous mesurer. » C’est vrai. Notre humanité ne dépend pas qu’un peu de la vérité qui est en nous, et cela s’apprend seulement par les relations interpersonnelles au sein d’une communauté. Quand l’homme se développe, il atteint « une vérité complète » (Jean-Paul II) En outre, cette vérité implique « notre raison et notre libre arbitre qui sont liés à nos sens et facultés physiques. L’individu, et cela inclut le corps, est complètement responsable de lui-même et c’est dans l’unité entre le corps et l’âme qu’il est sujet de ses propres actes moraux. » Nous avons reçu une individualité autonome unissant de façon complexe, le corps, l’intelligence et l’âme. Mais il est de notre responsabilité de la perdre ou non dans les événements de la vie. Notre être a besoin d’être nourri quotidiennement, où alors nous soumettons notre vision du monde, notre morale, l’opinion que nous avons de nous-même et même nos corps à des forces qui sont bien trop heureuses que nous abdiquions notre individualité pour nous adonner à leurs musiques, films vêtements, opinions politiques et même leur façon de s’amuser. Fâcheusement, et ce n’est bien sûr pas politiquement correct de le mentionner, notre individualité est si entachée par le péché que nous avons à reconnaître que seule <> (Jean-Paul II) C’est la brillante lumière dont nous avons désespérément besoin. Examinons une entreprise comme Google. Elle a cartographié l’intégralité d’Internet, sur le présupposé que toutes les informations dont nous pourrions avoir besoin seraient accessibles par ce moyen, mais « le développement de la science et de la technologie, ce magnifique témoignage de l’aptitude humaine à comprendre et à persévérer, ne libère pas l’humanité de l’obligation de se poser les questions religieuses fondamentales. » (Jean-Paul II) Ces questions religieuses fondamentales nous conduisent jour après jour à rencontrer le Christ dans son Eglise. De fait, l’organisation encyclopédique des savoirs a son utilité, mais elle a aussi ses limites. L’histoire de la célèbre Encyclopédie de Diderot et d’Alembert illustre comment des entrées composées selon un programme méticuleusement rationaliste ont abouti à dominer la quête de sens partout en France. Abandonner sa propre quête de sens uniquement à des outils faits de main d’homme — sans en connaître les limites — est extrêmement risqué. En outre, ce renoncement n’est pas une borne infranchissable pour notre culture. Il y a un renoncement analogue, avec cette préoccupation aveugle pour tel acteur ou tel artiste. Qu’est ce que ça peut faire qu’il ait ce genre de bagage ? Il ne porte pas nos propres bagages à notre place. Evidemment, s’associer avec des acteurs attire indirectement les acheteurs, sinon les publicistes ne le feraient pas. Une pub que j’ai vue récemment disait : « nouveaux gadgets, nouveaux équipements, un nouvel homme. » Les gadgets et les équipements devraient apparemment fabriquer un homme nouveau ! Qui le savait ? Quelle triste image de lui-même a un type qui fait crédit à ce genre d’annonce. « Un homme accède à une humanité pleine et vraie seulement à travers la civilisation, c’est-à-dire à travers le développement des biens et valeurs de la nature. » (Vatican II). Mais la civilisation doit maintenant développer les biens et valeurs de la nature humaine en se basant sur ce qui est arrivé à la nature humaine dans le Christ et non dans tel acteur ou tel politicien. Malgré l’écrasant carriérisme et l’individualisme qui se manifestent encore dans l’Eglise, il y a de nombreuses communautés où les individus peuvent rencontrer le Christ et apprendre de Lui qui est vraiment le Chemin, la Vérité et la Vie. (Jean 14:6) « A travers ses relations avec les autres, les services réciproques, le dialogue fraternel [l’homme] développe ses dons et devient capable d’affronter son destin. » (Vatican II) C’est la seule communauté avec « un but unique, prolonger l’œuvre du Christ, sous la conduite de l’Esprit qui prend soin de nous. Le Christ est venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver et non pour juger, pour servir et non pour être servi. » (Vatican II) Contrairement à la regrettable démission de notre humanité dans notre culture populaire, si nous nous tournons vers le Christ, Lui nous restaure, nous rend notre vraie nature.
Bevil Bramwell est prêtre au sein de ls communauté des Oblats de Marie Immaculée, professeur de théologie à Catholic Distance University. Il tient un département de philosophie au Boston College et travaille dans le domaine de l’ecclésiologie. Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/custodians-of-our-own-humanity.html illustration : le Christ Consolateur, par Ary Scheffer (1836)

 

  1. (NDT : Alan Turing est un mathématicien anglais)