La liberté de religion et le brouillard de la civilisation moderne. - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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La liberté de religion et le brouillard de la civilisation moderne.

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Comme d’autres l’ont démontré preuves à l’appui, l’administration Obama a, à travers la politique comme la pratique, infléchi la compréhension de la liberté religieuse qu’avait l’Exécutif en quelque chose baptisé « liberté de culte ».Evidemment, ce concept diffère de la « liberté religieuse ».

La liberté de culte signifie qu’on peut adorer qui l’on veut. Ainsi, aller à la messe le dimanche est une activité protégée par cette liberté. Cette interprétation traite la religion comme une activité uniquement privée, incluant offices, prières, école du dimanche, prédication, enseignement de la doctrine, etc.

En comparaison, la liberté religieuse est un concept beaucoup plus riche car il traite de la foi telle qu’elle est réellement vécue en suivant les véritables traditions théologiques. Prenons, par exemple, le très controversé mandat HHS, contre lequel plusieurs entités, dont l’université Notre-Dame ont intenté procès.

Comme ce mandat implique que les employeurs, y compris les catholiques, procurent dans le plan de protection santé de leurs employés : contraception, stérilisation à visée contraceptive et avortement et étant donné que user de ces pratiques ou collaborer matériellement à leur mise en place viole la théologie morale de ces employeurs, ils voient bien que le mandat est une violation manifeste de leur liberté religieuse.

Mais si nous remplaçons la liberté religieuse par la liberté de culte, le gouvernement n’a alors rien fait de mal. Car l’Etat n’a pas obligé les catholiques à adorer Baal ou à assister contre leur gré à un office luthérien.

Tout ce qu’il fait est de requérir d’eux qu’ils procurent à leurs employés, qui ne partagent pas leur foi, des services qui sont séculiers et donc sous la légitime autorité de l’Etat. Puisqu’on n’oblige pas les catholiques à user de contraceptifs ou d’abortifs, ou même de stérilisation à visée contraceptive dans leur vie privée, le mandat HHS est religieusement neutre.

En substituant à la liberté de religion la liberté de culte, l’administration Obama et ses alliés sont en mesure de confisquer de larges pans de valeurs culturelles sans même présenter un argument pour se justifier. Laissez-moi expliquer.

Les traditions théologiques ne concernent pas uniquement le culte mais aussi de nombreuses questions de morale qui ont surgi de leur anthropologies philosophiques. Parmi ces questions, l’usage approprié de la sexualité. Selon de nombreuses traditions religieuses, certaines activités intimes sont gravement immorales, et ce serait gravement immoral pour tout un chacun de coopérer à la réalisation, l’apologie ou l’approbation de ces activités.

L’autre jour, une décision de la cour d’appel du Nouveau Mexique a confirmé la condamnation à 6 600$ d’amende d’une photographe qui avait refusé ses services à un couple de lesbiennes pour leur cérémonie d’engagement. (Techniquement, comme le tribunal a statué, il s’agissait d’une « union homosexuelle », le Nouveau Mexique ne reconnaissant pas jusqu’à présent le « mariage homosexuel ».) La photographe a argué que sa foi chrétienne ne lui permettait pas de mettre son talent au service de la célébration d’un acte qu’elle juge gravement immoral. Le tribunal a statué que le refus de la photographe tombait sous le coup de la loi qui interdit aux entreprises à destination du public de pratiquer une discrimination en fonction de l’orientation sexuelle.

Evidemment, la compréhension du mariage et de la sexualité que la photographe a dans l’esprit n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle, elle aurait volontiers exercé son office pour un mariage homme-femme, même si les conjoints s’étaient présentés comme gay et lesbienne. Le tribunal a rejeté cet argument au motif que la Cour Suprême des Etats-Unis ne faisant à ce qu’il paraît aucune distinction entre le statut et la conduite, elle est tenue de faire de même. Mais cette analyse semble pécher sur les deux points, car la photographe s’est identifiée comme chrétienne, et c’est pour cette raison qu’elle croit que certaines façons d’agir sont incompatibles avec sa vocation.

Après tout la commission pour les droits humains du Nouveau Mexique qui l’a condamnée en première instance est une instance gouvernementale qui mène ses affaires dans un bâtiment gouvernemental au service du public. En refusant de relier le statut de la photographe ( comme chrétienne) à la conduite de la photographe (comme chrétienne), la commission pratique exactement la même sorte de discrimination que la cour d’appel a déclaré interdite sous la Cour Suprême précédente.

On percevrait plus facilement la logique du dilemme de la photographe si elle avait refusé ses services pour la lune de miel plutôt que pour la cérémonie d’engagement, ou si elle avait refusé un contrat avec une maison de tolérance légale qui aurait eu recours à ses compétences pour réaliser un annuaire des pensionnaires. Parce que les rapports intimes avec une personne du même sexe sont le comportement qui accompagne d’ordinaire un type d’orientation sexuelle, et que les rapports sexuels sont une conduite qui accompagne généralement un autre type d’orientation sexuelle, il semble que nous puissions comprendre pourquoi il serait inique d’exiger de la photographe qu’elle témoigne de la lune de miel ou participe à la réalisation de l’annuaire. Cela parce que un certain type de comportement accompagne un certain type de croyances religieuses.

Donc, nous n’avons pas totalement perdu nos justes intuitions quant à la nature des croyances religieuses et ce qu’elles enseignent sur la signification et la nature de la vie humaine, incluant la sexualité, et sur la nature de l’union maritale.

Quand le brouillard de la guerre de civilisation se dissipe, nous pouvons voir clairement que la liberté de culte ne reflète pas convenablement la richesse et la complexité de la croyance religieuse. C’est, en fin de compte, un pauvre substitut de la liberté religieuse. Adopter uniquement la liberté de culte, c’est abandonner ce qui a été nommé à juste titre depuis des générations la première liberté.


Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et de droit public religieux( NDT : i.e. l’étude des rapports entre les Eglises et les Etats, leurs conflits…) Son dernier livre (en collaboration avec Robert P. George et Susan McWilliams), à paraître prochainement, est A Second Look at First Things : A Case for Conservative Politics, un écrit en l’honneur de Hadley Arkes.

NDT : l’auteur établit la distinction entre la castration à visée contraceptive et la castration à visée médicale, pratiquée par exemple pour lutter contre un cancer hormonodépendant et qui elle est moralement licite.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/freedom-of-religion-and-the-fog-of-culture-war.html


Illustration : carte électorale des États-Unis. « États rouges et États bleus »…