Comme je n’ai aucune envie de commenter ce qui suscite en ce moment les passions à propos de notre vie politique, on me permettra de parler des fondamentaux de la vie sociale. Il se trouve, en effet, qu’un article de presse récent m’est resté, en quelque sorte, coincé dans la gorge1.
J’y avais d’autant plus prêté attention que c’était une sorte de manifeste, sous la signature d’un universitaire, qui voulait signifier au nouveau président de la République qu’il aurait au plus tôt à réaliser une des promesses de son programme : à savoir le mariage de personnes du même sexe. Toute l’argumentation tournait autour d’une citation de la grande philosophe moderne Hannah Arendt :
« Le droit d’épouser qui l’on veut est un droit humain élémentaire à côté duquel le droit à l’éducation, le droit de s’asseoir où l’on veut dans un bus, le droit d’aller dans n’importe quel hôtel ou lieu de divertissement, quelle que soit la couleur de sa peau ou de sa race, sont effectivement mineurs. »
Cette phrase doit se comprendre dans le contexte du combat en faveur des droits civiques dont étaient privées à l’époque les personnes de couleur noire aux États-Unis d’Amérique. On comprend l’indignation de Hannah Arendt qui souligne la nécessité impérieuse de mettre fin à une injustice révoltante, en accordant aux personnes discriminées les droits humains les plus élémentaires énoncés dans la Constitution américaine.
L’insistance sur le droit au mariage est au cœur de la plainte et de l’exigence exprimées par la philosophe. Qui n’y souscrirait ? Mais en vertu de quoi peut-on lui attribuer l’idée étrange selon laquelle le mariage, qui, de façon immémoriale, concerne l’union de l’homme et de la femme, devrait transgresser son domaine pour devenir ce qu’il n’a jamais été et ne saurait être ?
Aucun texte de l’intéressée ne peut être sollicité en ce sens, probablement parce que l’idée même ne lui serait jamais venue à l’esprit. J’ai interrogé des spécialistes de sa pensée, aucun n’est venu conforter la thèse qui voudrait que l’obstacle de la différence sexuelle soit l’équivalent de l’obstacle de la race. Il s’agit d’un contre-sens évident. L’insistance de Hannah Arendt sur la notion de natalité est au contraire le signe de l’importance qu’elle accordait à l’union féconde de l’homme et de la femme. « Le miracle qui sauve le monde, a-t-elle écrit, c’est finalement le fait de la natalité. » Et ce fait suprême n’est-il pas garanti par l’union de l’homme et de la femme dans la réalité stable du mariage ?
Chronique lue sur Radio-Notre Dame le 14 juin 2012.
- Daniel Borrillo, juriste dans Le Monde du 18 mai 2012 sous le titre Le mariage homosexuel est une avancée nécessaire.