Pardon, mardi dernier, il y a huit jours, j’ai parlé trop vite. Sur la foi d’articles lus dans les journaux et de belles images reprises par les chaînes de télévision, j’ai cru que le film Amour, du cinéaste autrichien Michael Haneke ne faisait que l’éloge d’une vieillesse partagée, dans le secours mutuel à ses faiblesse et à ses risques de déchéance. Je ne savais pas, parce que les documents que j’avais consultés n’en parlaient pas, que le film se terminait par un acte d’euthanasie, le mari donnant la mort à sa femme. Je ne l’ai su qu’avec l’obtention de la Palme d’or à Amour et la déclaration faite par Haneke en recevant sa récompense. J’ai appris aussi que c’est cette scène finale qui avait privé ce même film du Prix du jury œcuménique qui est revenu au Danois Thomas Vintenberg pour La chasse, distingué aussi pour des qualités remarquables de sensibilité et d’humanité.
Je présente donc mes excuses à nos auditeurs, en rappelant toutefois que ma chronique se terminait précisément par l’expression de mon refus de l’euthanasie. Je disais mon désaccord à George Steiner, qui, dans son dernier ouvrage, plaide pour cette solution radicale, que certains définissent curieusement comme « la dernière liberté ». Non, ce n’est pas parce que le motif imploré est la compassion que l’acte de tuer devient légitime. Il demeure, quoi qu’on en dise, d’une violence absolue et il enfreint directement les Tables de la loi : « Tu ne tueras pas. »
Je sais bien que dans le climat actuel, le film de Haneke sera reçu comme une caution de plus en faveur d’une revendication qui bénéficie d’une promotion généralisée dans les médias. Les réelles qualités d’Amour, la force de ses interprètes vont malheureusement jouer en faveur de la transgression. Je le regrette d’autant plus que ce qui m’avait touché dans ce que j’avais vu, c’était l’expression de la tendresse entre deux êtres, mari et femme, irréductiblement attachés l’un à l’autre sur le versant ultime de la vie. Et je réitère la conclusion : ce qu’il y a de beau dans cet horizon, c’est l’acceptation de l’autre dans sa faiblesse et son dénuement extrême, avec au cœur la formule de Gabriel Marcel : « Aimer quelqu’un, c’est lui dire : toi, tu ne mourras pas. »