Criant sur la Croix « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », Jésus n’exagérait pas. La plupart des participants à la Crucifixion devaient agir selon ce que le Catéchisme de l’Église Catholique (Édition abrégée: § 376) appelle, employant une ancienne expression catholique, « ignorance involontaire »: « On ne peut imputer à une personne le mal accompli par ignorance involontaire.»
On peut penser que seule une minorité parmi les accusateurs de Jésus agissait par haine et méchanceté. La plupart ne savait simplement pas que faire avec Jésus.
On peut imaginer le trouble, même parmi les Pharisiens, quand Jésus, poursuivi devant le Sanhédrin, répond affirmativement à la question; « es-tu le Fils de Dieu? » Ils attendaient le Messie, fils de David, qui libérerait le peuple Juif du joug étranger, établirait le royaume d’Israël sur le monde, et le dominerait avec gloire comme lumière des nations.
Mais devant eux se tenait un prêcheur et guérisseur itinérant se prétendant « Fils de Dieu ». Quel blasphème! Le pauvre Ponce Pilate, troublé par l’accusation des Juifs qu’un agitateur Galiléen prêchait l’insurrection, condamna Jésus à mort.
Soyez indulgents envers le Procureur Romain, et tous ces pauvres fils de p… entrainés dans l’émeute vengeresse, la dérision, puis la crucifixion du « Roi des Juifs ». Pour la plupart, s’ils avaient réalisé ce qu’ils lui faisaient subir, ils auraient été pétrifiés d’horreur.
Tout comme eux, de notre temps, nous sommes noyés dans le brouillard du péché originel. Nos pensées sont embrumées par l’habitude du péché, ce qui bien souvent rend difficile une approche éthique — sans compter le QI en-dessous de la moyenne de la moitié d’entre nous. Et sans compter l’influence des autres, la propagande des médias, et ces drogues intellectuelles qui nous empoisonnent jour après jour.
Voilà pourquoi, sans penser à mal, bien des gens ne peuvent établir le lien éthique pour mesurer :
L’avortement n’est pas une simple « extraction de tissus », comme les sympathiques membres du Planning Familial racontent aux femmes enceintes dans la détresse.
La contraception par la pilule est tout autant un obstacle à la procréation que l’usage de préservatifs, de diaphragmes, de stérilets, etc. . . Que ces dernières méthodes soient des moyens non naturels de prévention de la conception n’a jamais échappé à la plupart des gens; mais la pilule modifie le processus naturel de la fertilité féminine, privant parfois des ovules fertilisés de moyens de développement — procédé plus subtil de blocage.
La contraception n’a rien de commun avec l’abstinence en période de fertilité, comme le proposent les méthodes du Planning Familial Naturel.
L’acte homosexuel, où union avec une personne du même sexe se faisant par des orifices non sexuels pour simuler l’étreinte homme / femme, est contre nature, et ne peut être qualifié d’ « acte sexuel ».
Dans le domaine religieux, on ne peut que tenter de comprendre les diverses causes de brume intellectuelle :
Le rejet du christianisme par beaucoup de Juifs, qui attendent encore la venue du Messie tel qu’annoncé comme descendant de David pour rétablir Israël dans sa gloire méritée parmi les nations.
Les Protestants, qui ne peuvent simplement se boucher les yeux devant les scandales annoncés par Jésus comme inévitables (Matt 18:7 – Luc 17:1) au sein de l’Église, et n’étudient pas l’enseignement de l’Église, mais se sont retournés vers un livre (la Bible), source discutable de comportement et de salut.
Les Églises-sœurs Orthodoxes, entretenant des griefs millénaires, et malgré les accords conclus avec les Catholiques sur de nombreux points de doctrine et de morale, refusent encore l’unité au prétexte que l’Apôtre Pierre aurait commis l’erreur d’attribuer la suprématie à l’Église de Rome plutôt qu’à une capitale telle que Constantinople.
Musulmans et Mormons totalement pris dans un culte monolithique post-Chrétien, confrontés à un ostracisme social ou, pire, à l’apostasie.
Les païens qui n’ont simplement jamais rencontré la beauté de la foi, ou en ont été tenus éloignés par la contrainte de dirigeants.
Nous connaissons tous des gens qui ne comprennent pas, ne peuvent pas comprendre, et sans doute ne pourront jamais comprendre que, eh bien, oui, le Fils de Dieu est vraiment venu sur terre pour vivre et mourir comme les autres humains, et établir une Église visible qui, telle l’arche de Noë en son temps, a pour mission d’offrir les moyens du salut éternel à tous, bons comme mauvais, et durera, invincible, jusqu’à la fin des temps.
Comme le remarque le Prophète Jonas, nombreux sont ceux « qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche… » (Jon 4:11) lorsqu’il est question de sujets sérieux et de choix fondamentaux dans l’existence.
Comment peut-on savoir qu’on n’est pas plongé dans l’ignorance? Si nous croyons que toute vérité et relative — « ta vérité », ou « ma vérité » — il y a peu de chances, sauf imprévu, que nous émergions de notre ignorance. Si, cependant, nous avons foi en la vérité, et cherchons à découvrir la vérité, nous pouvons parfois être ignorants, mais pas dans une « ignorance involontaire ».
Jésus nous a assuré que ceux qui cherchent la vérité la trouveront. Michael Buckley dans « Denying and Disclosing God: The Ambiguous Progress of Modern Atheism » [Refus et découverte de Dieu: progrès ambigu de l’athéisme moderne] remarque que « croire qu’on peut atteindre la vérité » est presque synonyme de « croire et se soumettre à Dieu. »
Devant les nombreux exemples d’ « ignorance involontaire » que nous rencontrons de par le monde, nous devrions reprendre la prière du Christ sur la Croix: que Dieu leur pardonne car ils ne savent pas ce qu’ils font.
Il y aura sans doute au paradis d’immenses foules de gens qui, au cours de leur existence, n’ont tout simplement « pas saisi », mais ont vécu selon leur « inspiration », et sont entrés au paradis au titre d’une catégorie ou d’une autre, dans une des « nombreuses maisons de mon Père » avec des places libres — « bons larrons », « Chrétiens anonymes », ou autres titres étranges.
Prions pour les retrouver là-haut.
Howard Kainz, professeur émérite de philosophie à l’Université Marquette (Milwaukee, Wisconsin).
Tableau : Le gouffre de l’enfer – Sandro Botticelli, vers 1500.