En fait de commentaires sur la journée d’investiture, hier, nous avons déjà eu le trop plein. L’impression dominante est que le nouveau Président a tenu à bien marquer son territoire, ne serait-ce qu’en s’opposant implicitement et explicitement à son prédécesseur. Tout le monde a noté, évidemment, l’extrême sécheresse avec laquelle il l’a mentionné dans son discours de la salle des fêtes de l’Élysée, au terme de la liste de ses prédécesseurs. Chacun d’entre eux avait eu droit à une mention élogieuse, eu égard à son bilan. Nicolas Sarkozy n’a eu droit qu’à des vœux pour l’existence nouvelle qui s’offre à lui. C’était à la limite de la politesse ! Et puis on a assisté également à une reprise de la profession de foi que l’on avait entendue à la fin du débat des deux candidats du second tour : « Moi, Président de la République… » Oui, moi François Hollande je ne serai pas comme l’homme qui est en face de moi, je rétablirai tous les critères de l’intégrité et je serai moralement irréprochable.
Dans ces conditions, on doit beaucoup relativiser la courtoisie républicaine dont on a parlé – moi y compris – qui a présidé à la cérémonie du 8 mai. Mais il n’y a pas que les questions de politesse. Il y a aussi le fond, les symboles que j’avais évoqués dans mes précédentes chroniques. L’allocution prononcée aux Tuileries était intéressante de ce point de vue, car elle marquait une rupture très affirmée avec toutes les ouvertures du prédécesseur à la France chrétienne. La culture de François Hollande est foncièrement IIIe République comme le révèlent son langage et ses références. On a l’impression avec lui que l’histoire commence à une époque très récente. Il est sans doute louable de saluer Jules Ferry en faisant les réserves convenues sur son colonialisme (mais à ce compte, c’est toute la tradition républicaine qui devrait être censurée). L’école ne commence pourtant pas à la fin du XIXe siècle, elle a une généalogie fort intéressante à étudier, y compris à ses origines romaines bien étudiées par Henri-Irénée Marrou. Heureusement, l’école des débuts du XXe siècle avait des ouvertures culturelles supérieures à l’idéologie étriquée des maîtres du moment.
Il faut espérer que François Hollande, à l’exemple de l’autre « socialiste » François Mitterrand, ne demeurera pas trop enfermé dans ses cadres idéologiques et dans sa laïcité à l’ancienne. C’est une des conditions pour devenir ce qu’il aspire à être, le Président de tous les Français.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 16 mai 2012.