Cette semaine verra donc l’installation de François Hollande à l’Élysée, la nomination du Premier ministre et du gouvernement. C’est l’installation qui aura lieu demain qui orientera les regards vers ce qu’on peut appeler la symbolique du nouveau pouvoir. En 1981, Mitterrand avait soigneusement mis en scène son arrivée, avec la cérémonie du Panthéon, qui avait comme une allure de liturgie laïque. Ne s’agissait-il pas du temple de la République ? Et il n’était pas indifférent de se souvenir que ce temple était une Église désaffectée, dédiée à sainte Geneviève patronne de Paris, construite sous Louis XV par le grand architecte Soufflot. Le symbolisme était transparent et certains, à l’époque, en ressentirent de la gêne. Philippe Muray traita ironiquement le sujet, avec une charge terriblement drôle contre la religion funèbre et fantômale incarnée par cet édifice. Il semble -mais attendons de voir pour apprécier exactement- que François Hollande sera plus sobre de ce point de vue du symbole. Il n’en a pas moins choisi deux thématiques très caractéristiques d’une certaine tournure d’esprit, en voulant tour à tour rendre hommage à Jules Ferry et à Marie Curie. Ferry n’est-ce pas l’école laïque, Marie Curie n’est-ce pas la science ?
Bien sûr, tout le monde peut se retrouver dans l’école et la science, le savoir et le progrès. Il serait fâcheux que les Français se disputent à leur propos. Qui pourrait se réclamer de l’obscurantisme ? Il n’empêche que dans le cours des deux derniers siècles, le savoir et la science ont été instrumentalisés au service d’idéologies explicitement anti-chrétiennes. Jules Ferry était un positiviste, disciple d’Auguste Comte, et il pensait pouvoir remplacer la foi religieuse parce qu’on appelle le Progrès des Lumières. Par ailleurs, tout un culte de la science, développé par un Renan et un Berthelot, aboutissait à une sorte de religion du Progrès, sensée faire le bonheur de plus en plus grand de l’humanité.
Je ne serai pas téméraire au point de décrypter les intentions réelles de François Hollande, mais je constate qu’il a auprès de lui Vincent Peillon, au demeurant brillant agrégé de philosophie, dont on dit qu’il pourrait devenir ministre de l’Éducation nationale. Or l’intéressé prône explicitement un retour à ces fondamentaux idéologiques de la laïcité. Pour ma part, je ne manquerai pas d’analyser avec soin les discours de mardi, pour mieux comprendre les symboles et l’idéologie du nouveau pouvoir.