Le président Barack Obama vient d’annoncer son soutien au « mariage » entre personnes de même sexe dans un interview accordé au reporter Robin Roberts de ABC. Expliquant son raisonnement, le président a présenté cette réflexion théologique :
Vous savez… nous [la première dame et moi] sommes tous deux des chrétiens pratiquants et manifestement cette position pourrait être considérée comme nous mettant en désaccord avec les opinions des autres, mais vous savez, quand nous pensons à notre foi, ce qui est à sa racine, ce n’est pas seulement le Christ se sacrifiant pour nous, c’est aussi la règle d’or : traitez les autres comme vous voudriez être traités vous-mêmes. Et je pense que c’est ce que nous essayons de transmettre à nos enfants et ce qui me motive comme président. Et je m’imagine qu’être le plus cohérent possible avec ces préceptes est le mieux que je puisse faire comme père, comme époux et, je l’espère aussi, comme président.
J’admire le président pour oser évoquer sans vergogne l’autorité et l’enseignement du Christ en nous révélant ses cogitations sur ce sujet. A une époque où nos institutions qui façonnent la culture rejettent, de façon réflexe et irréfléchie, les apports de la théologie comme non rationnels, la franchise du président est rafraîchissante et bienvenue.
Mais il me semble que cette référence à la règle d’or du Christ, bien qu’appropriée, audacieuse et digne d’éloges ne réussit pas à justifier son changement d’opinion. La règle d’or — « faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent » (Mt. 7:12) — n’est pas un quid pro quo pour une réciprocité à satisfaire ses penchants. Autrement, cela voudrait dire qu’un masochiste, par exemple, devrait infliger des souffrances aux autres.
Quand le Christ a proposé la règle d’or au cours du sermon sur la montagne (Mt. 5-7:27), il savait que ses auditeurs la comprendraient dans le même sens que le reste de l’homélie, incluant cette question : « lequel d’entre vous donnerait une pierre à son fils qui lui demande du pain ? » (Mt. 7:9a).
Si la règle d’or était juste un pacte mutuel d’intérêt personnel pour protéger les préférences de chacun, alors une bonne réponse à la question du Christ aurait été : « mais Jésus, et si mon fils demande une pierre parce qu’il préfère manger de la pierre que du pain ? »
C’aurait été une question stupide parce que la règle d’or n’est pas instituée pour protéger les préférences de votre voisin mais pour faire progresser ce qui est bon pour lui. Ironiquement, le président doit compter sur cette deuxième et ancienne interprétation pour donner du sens à cette référence à ses responsabilités de père et d’époux. Car la signification admise de ces termes est intégrée à la tradition morale héritée qu’il n’a pas inventée, mais qu’il rejette maintenant.
Jésus se place et place son enseignement exactement dans la ligne de cette tradition morale : « N’avez-vous pas lu qu’au commencement le Créateur les a fait mâle et femelle… Pour cette raison, l’homme quittera son père et sa mère pour s’unir à sa femme et tous deux deviendront une seule chair ? Donc ils ne sont plus deux, mais une seule chair. » (Mt.19:4-6a).
Le Christ reconnaît même que « certains sont inaptes au mariage car ils sont nés ainsi, d’autres ont été rendus ainsi par les hommes, d’autres ont renoncé au mariage au bénéfice du royaume des cieux. » (Mt. 19:12).
Cette compréhension du mariage est si essentielle dans l’Evangile que le Christ et ses premiers disciples ont souvent comparé la relation entre le Seigneur et l’Eglise à celle entre un jeune marié et son épouse. (Voyez Mt. 9:15, Mc.2:19, Lc 5:34, Jn. 3:29, 2 Cor 11:2, Eph. 5:25, Eph. 5:31-32, Ap.19:7, Ap 21:2, Ap 21:9, Ap 22:17).
Parce que la règle d’or est, comme le Christ le déclare, « la loi et les prophètes » (Mt. 7:9b), elle est le fondement de la mission de l’Eglise sur la terre, ce qui veut dire que pour les chrétiens la règle d’or s’intègre dans toute la théologie morale de l’Eglise, incluant sa compréhension du mariage et du bien commun.
Bien que le président se trompe au sujet de la règle d’or, il serait intéressant de voir dans quel domaine il veut appliquer sa version le plus généreusement, pour réellement « traiter les autres comme vous voudriez être traité ».
Va-t-il l’étendre aux enfants à naître et même aux survivants de l’avortement ?
Ou aux membres d’église et entreprises privées qui ne peuvent en conscience fournir une couverture santé incluant contraception et avortement comme le prévoit le HHS ?
Ou aux citoyens, aux entreprises, aux organisations charitables à qui la théologie morale interdit de bénir ou soutenir les unions homosexuelles ?
Ou aux jeunes chrétiens qui ont été publiquement intimidé par Dan Savage, l’activiste soutenu par la Maison Blanche ?
Parfois, j’aimerais que le Christ ait enseigné une autre compréhension du mariage, une qui ne nécessite pas que nombre d’entre nous soutiennent publiquement ce qui est clairement impopulaire dans les cercles restreints des établissements d’enseignement où nous vivons. Mais Notre Seigneur exige de nous rien de moins qu’une complète obéissance, même sous les crocs de la marginalisation et de la persécution.
Car, comme il l’a dit seulement neuf versets après avoir prononcé la règle d’or : « Ceux qui me disent « Seigneur, Seigneur » n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement ceux qui font la volonté de mon Père des cieux. » (Mt. 7:21)
Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et de droit public religieux (NDT : i.e. études sur les rapports entre les Eglises et les Etats, leurs conflits…) à Baylor University. Son dernier livre (en collaboration avec Robert P. George et Susan McWilliams) va paraître A Second Look at First Things : A Case for Conservative Politics (St Augustine Press), un écrit en l’honneur de Hardley Arkes.
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illustration : Le président a changé d’avis.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-president-jesus-and-the-golden-rule.html