Bulletin blanc, vote boomerang ? L’ampleur du vote blanc du 6 mai 2012 – plus de deux millions de bulletins, soit environ 7% des votants – a surpris. Certains catholiques avaient préconisé cette attitude au nom du « non négociable », puis Marine Le Pen l’a annoncé pour son propre vote, pour des raisons différentes. à l’arrivée, c’est largement ce vote blanc pêle-mêle qui aurait fait perdre Nicolas Sarkozy. Son vainqueur, François Hollande, est élu avec moins de la moitié des suffrages exprimés.
Le souvenir cuisant de lois transgressives vient immédiatement hanter ceux qui ont combattu François Hollande en raison d’éléments de son programme qui promettent deux basculements de société majeurs. Certes, c’est à l’initiative de la droite parlementaire que deux précédents basculements ont déjà été avalisés par le législateur : avortement puis procréation artificielle. Et la seconde révision aggravant la loi de bioéthique s’est déroulée pendant le quinquennat qui s’achève. Les conséquences de ces deux législations sont déjà spectaculaires : environ 500 000 vies humaines sont conçues et détruites chaque année en France, par l’IVG et la fécondation in vitro ; l’eugénisme « démocratique » a quant à lui atteint un niveau extrême puisque la quasi-totalité des embryons ou fœtus dont on a pu dépister la maladie par diagnostic préimplantatoire (DPI) ou diagnostic prénatal sont empêchés de voir le jour. Sur tous ces sujets la gauche a systématiquement revendiqué des surenchères transgressives. Elle l’a fait de façon unanime, alors que la droite fut toujours partagée.
François Hollande a donc promis de mettre en œuvre, dès la première année de son mandat, deux nouvelles « réformes de société », d’ampleur comparable : d’abord le « mariage » homosexuel (assorti d’un droit d’adopter des enfants pour deux hommes ou deux femmes, et, pour ces dernières, de recourir à l’insémination artificielle avec donneur anonyme), ensuite l’euthanasie, avec sa mesure 21 qui la déguise en « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». Nicolas Sarkozy avait quant à lui clairement récusé ces deux projets avec fermeté.
L’IVG en 1975 et la fécondation in vitro en 1994 ont aussitôt été érigés en « droits sacralisés ». Présentés comme allant dans le sens de l’Histoire, ils ont aussi ouvert la boîte de Pandore du scientisme. Après la fascination de la gauche pour le clonage — actuellement passé de mode — c’est la recherche sur l’embryon que François Hollande veut libéraliser davantage. Et l’on parle désormais sérieusement, avec le « cyborg », de créer un nouvel homme…
Faut-il craindre un passage à l’acte rapide du nouveau président sur ses projets de société, avec encore un effet « cliquet » rendant difficile leur réversibilité ? La tentation de lois historiquement symboliques peut être forte, d’autant plus qu’est faible la marge de manœuvre économique du gouvernement.
Mais la société française est-elle prête à priver délibérément un enfant d’un père ou d’une mère, au mépris de son intérêt, pour répondre au désir d’adultes ? Et à proposer à des personnes gravement dépendantes ou en fin de vie l’injection létale comme solution ? Pas si sûr.
De toutes les façons, rien n’est joué. Il faut d’abord attendre les législatives pour mesurer si la majorité sortante est capable de résister à une vague rose somme toute limitée, mais surtout à ce piège des triangulaires avec le Front national qui s’annonce cruel pour bien des candidats UMP. Ensuite, ce sera peut-être le temps des grands affrontements comparables à ceux de l’École libre.
En effet, si les sondages d’opinion semblent valider les transgressions qui se préparent, il n’est pas du tout certain qu’ils reflètent l’état du rapport de forces politique ou militant. Les transgressions revendiquées sont portées par des minorités centrées sur ce qu’elles croient être leur intérêt particulier (« homoparentalité ») ou sur une idéologie très éloignée des besoins réels des personnes (euthanasie). à l’inverse, ceux qui sont prêts à combattre ces basculements ne défendent pas leur intérêt privé, mais une vision du monde, globale et généreuse, qui met le plus fragile au cœur de leur préoccupation. Avec pareille motivation, on renverse des montagnes.