Etre diplômé de Notre-Dame, c’est un peu comme être un Américain en voyage en Europe : peu importe la controverse et la distance où vous vous trouvez, on vous mettra sur le grill. J’avais été hors du pays durant deux semaines et je n’étais pas rentré d’une heure que quelqu’un m’envoyait un texto m’interrogeant sur la nouvelle polémique à Notre-Dame.
J’ai d’abord pensé que cela concernait Fr. Jenkins, l’actuel président de Notre-Dame. Mais non, il était dit « Jenky ». Dan Jenky ? Le tant admiré ancien recteur de la basilique Notre-Dame et maintenant évêque de Peoria ? Dan Jenky, le responsable de la restauration de la chapelle Notre-Dame dans son éclat originel et qui lui a gagné le statut de basilique ?
Son impact sur la vie liturgique et spirituelle du campus est incalculable. Il est toujours reçu avec les honneurs sur le campus. Sa photo trône en bonne place avec celles de du pape Benoît et du supérieur de la Sainte Croix. Que pouvait bien avoir fait Dan Jenky pour mettre en colère qui que ce soit, me suis-je demandé. C’est la plus charmante personne que vous puissiez rencontrer
J’ai trouvé sur le web qu’il avait (selon ce qui était dit) « comparé Obama à Hitler et Staline ». Eh bien, il s’avère que non, pas exactement. Vous pouvez lire la totalité de son homélie ici (un lien dans le texte original), mais voici le paragraphe prétendument « offensant » dans son contexte :
A la fin du 19e siècle, Bismarck a conduit son « Kulturkampf » comme une guerre culturelle contre l’Eglise Catholique Romaine, fermant chaque école, hôpital, couvent et monastère catholiques dans l’Allemagne Impériale.
Cemenceau, surnommé « le mange-prêtres », a tenté la même chose en France durant la première décennie du XXe siècle.
Hitler et Staline, à leurs meilleurs moments, voulaient à peine accepter que des églises restent ouvertes, mais ne toléraient aucune concurrence avec l’Etat dans les domaines de l’éducation et des services sociaux et de santé.
En violation manifeste des droits accordés par le Premier Amendement, Barack Obama – avec son programme radical, pro-avortement et extrêmement sécularisé – semble vouloir suivre le même chemin.
Bien que l’homélie soit de fait centrée sur la résurrection du Christ, qui est mentionnée 25 fois, la seule chose que la presse retienne est un morceau de phrase. C’est du journalisme piégeur dans toute sa splendeur, qui s’achève en dévalorisant le discours politique, coupant délibérément des propos de leur contexte pour les interpréter le plus négativement possible.
Un membre de la faculté Notre-Dame a rédigé une lettre coléreuse et l’a envoyée autour de lui pour la faire signer. Et bien sûr, la lettre a été signée : les Américains signent à peu près toutes les pétitions, quel qu’en soit le sujet. Signer les pétitions ne sert pas vraiment à exprimer une opinion, cela sert à se débarrasser des importuns. Quoi qu’il en soit, voici le passage le plus pertinent de la lettre :
Comme vous devez le savoir, Mgr Daniel Jenky, un membre du conseil de Notre-Dame, a été largement cité pour une homélie dans laquelle il décrit le président Obama comme « semblant décidé à suivre un chemin similaire » à celui d’Hitler et Staline. Ces commentaires de Jenky démontrent son ignorance de l’histoire, son insensibilité aux victimes du génocide et son manque de discernement..
Nous attendons de vous une déclaration officielle au nom de l’université qui la désolidarise définitivement des propos incendiaires de Jenky. Plus même, nous trouvons qu’il serait de l’intérêt de Notre-Dame que Jenky soit renvoyé du conseil de l’Université s’il refuse de renoncer nettement et publiquement à cette analogie destructrice.
Dans le contexte, il est clair que Jenky ne compare pas le président Obama avec Hitler et Staline sur le plan du génocide. Il établit une comparaison entre les fermetures potentielles d’écoles et d’hôpitaux dues au HHS et des efforts similaires pour fermer les institutions catholiques sous les administrations de Bismarck, Clemenceau, et effectivement aussi, Hitler et Staline. (Vu comme c’est parti, je suis surpris que la faculté ne soit pas plus offensée que Mgr Jenky ait comparé Obama à Bismarck ! Pourquoi un tel traitement de faveur ? Et Clemenceau ? C’est un coup bas.) Mais Jenky se trompe-t-il ? Ces hommes politiques n’ont-ils pas tous, dans la mise en oeuvre de leur programme de sécularisation, cherché à fermer les institutions catholiques ?
Un membre de la faculté écrit, cherchant à se dédouaner de l’accusation que les membres de la faculté ont tiré les propos de Jenky de leur contexte :
Le problème, avec la défense du « sorti du contexte », est que c’est vouloir évoquer Hitler sans en prendre la responsabilité. Hitler, dans notre culture, est à la fois un personnage historique et un concept, une représentation de l’incarnation du mal. Vous ne pouvez pas comparer quelqu’un à Hitler et dire ensuite que vous ne vous référiez pas à cette part de l’héritage hitlérien. Les analogies avec Hitler ne permettent pas d’aussi subtiles distinctions… Evoquer Hitler, c’est évoquer tout Hitler – les camps de la mort et tout le reste.
C’est assez vrai. Mais que dire de toutes les fois ou les libéraux ont appelé les conservateurs « fascistes » et les ont comparés à Hitler ? Rien que l’an passé, les habitants du Wisconsin ont été accusés pour avoir comparé Scott Walker à Hitler, de même que plusieurs ayant dit « Hitler aussi mettait les syndicats hors-la-loi ». Est-ce qu’ils évoquaient les camps de la mort ? Combien de ceux qui condamnent Mgr Jenky pour son ton « désobligeant » ont jamais empêché un collègue universitaire de décrire les conservateurs comme des « fascistes » ou des « nazis » ?
Nous avons à débattre d’un problème important, à savoir la portée et les limites du gouvernement fédéral, le pouvoir présidentiel démesuré, quel que soit le parti qui est à la présidence. Ce qui est en jeu est la véritable nature de notre système constitutionnel. Ayons une véritable conversation, sur de véritables problèmes. Que va-til arriver quand le HHS sera en application ?
Les catholiques seront-ils forcés d’aller en prison plutôt que violer leur conscience ? S’il en est ainsi, nous aurons besoin des « catholiques héroïques » que Mgr Jenky appelait de ses voeux dans son homélie. Et de quel côté se situeront alors ceux qui se plaignent de Mgr Jenky ?
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Photo = Mgr Daniel Jenky.
Randall Smith est professeur de théologie à l’université de Saint Thomas à Houston.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/jittery-about-jenkys-jeremiad.html