Nous avons vécu un premier mai assez exceptionnel, et à vrai dire plutôt inattendu. C’est une des surprises de cette campagne électorale, qui aura mobilisé les foules dans la rue comme jamais. Je ne vais pas reprendre ici la querelle lancée sur l’appropriation de la fête du travail, pour accorder des points aux uns contre les autres. Si je me réfère à l’histoire que je connais un peu, je constate que les choses sont moins simples et moins manichéennes qu’on le prétend. Tout d’abord, le syndicalisme français a beaucoup évolué depuis le XIXe siècle, et il y d’énormes différences entre ce que fut par exemple le syndicalisme d’inspiration anarcho-révolutionnaire avant la première guerre mondiale et celui d’aujourd’hui devenu complètement réformiste. De même, Nicolas Sarkozy, avec son rassemblement et son discours du Trocadero, a ranimé le souvenir du gaullisme du temps du RPF, qui entendait dresser contre l’emprise du parti communiste une alternative qui enlevait à ce parti l’exclusivité de la représentation des masses et des forces de travail.
Je note à ce propos que le Président sortant a rappelé le projet d’association du capital et du travail opposé à la stratégie de la lutte des classes. Cela m’a rappelé aussi des souvenirs, car j’ai bien connu Marcel Loichot, qui avait été le théoricien intelligent et expérimenté de ce projet adopté par le général, mais jamais mené à son terme, du moins ainsi que le promoteur du « pancapitalisme » l’entendait. C’est un élément nouveau, me semble-t-il, que le rappel de cet héritage gaullien, car il avait été assez oublié ces dernières décennies où prévalaient les conceptions du libéralisme économique portées par la mondialisation et la financiarisation de l’économie.
Reste que la France, hier, nous est bien apparue divisée en deux à propos des questions sociales et de la crise. Bernard Thibault, le dirigeant de la CGT, s’est montré particulièrement hostile au président sortant. Que résultera-t-il de cette confrontation de deux France ? Les débats auxquels elle a donné lieu féconderont-ils l’avenir ? En d’autres termes, le politique pourra-t-il faire le preuve de sa maitrise par rapport au pouvoir des marchés financiers ? La question reste ouverte, mais rendez-vous à demain pour parler de la confrontation tant attendue des deux candidats !