Les soirées électorales, pour qui a un peu vécu, se succèdent en se ressemblant terriblement. Il y a une sorte de rituel lié aux dispositions des plateaux de télévision, avec des leaders qui se répondent, en faisant toujours bonne figure, quels que soient les scores de leur camp ou de leur champion. Il m’a semblé pourtant, dimanche soir, en observant les uns et les autres, qu’il y avait une sorte de gravité sur tous les visages, y compris et même surtout sur ceux des porte-parole de François Hollande. Il y avait de bonnes raisons à cela. Même si le candidat socialiste précédait d’un point et demi son concurrent direct, la différence n’était pas assez nette pour qu’on puisse en déduire que les jeux étaient faits pour le second tour. Et puis il y avait aussi le bon score de Marine Le Pen contrastant avec le score décevant de Jean-Luc Mélenchon. En additionnant voix de gauche et voix de droite, on constatait que non seulement la gauche n’était pas majoritaire mais qu’elle demeurait minoritaire eu égard à la totalisation des formations d’en face. Bien sûr, il y avait tout de même une dynamique en faveur de François Hollande, dont tous les sondages depuis le début annoncent la victoire. Il n’empêche que même si victoire il y avait, les choses ne seraient pas si évidentes, avec une France divisée et des problèmes considérables à résoudre.
En ce sens, rien de comparable à 1981, lors de la victoire de François Mitterrand. À ce moment-là, la liesse du peuple de gauche était sans limite, même si un orage s’était déjà chargé de doucher l’ivresse du triomphe. En reprenant l’expression célèbre d’André Malraux dans l’Espoir, son roman sur la guerre d’Espagne, on pourrait dire qu’on était en pleine « illusion lyrique » !
Aujourd’hui, une telle illusion ne tiendrait plus. Même si François Hollande entend toujours faire rêver les Français, il s’accroche farouchement aux critères de normalité qu’il a préalablement définis. Et il n’est pas question pour lui de se laisser entraîner sur le terrain de son allié si embarrassant du Front de Gauche. Oui, il faut bien comprendre que cette campagne, quelle qu’en soit l’issue, débouchera sur un grand point d’interrogation, voire même sur une certaine angoisse, car nul ne sait de quoi les lendemains du 6 mai 2012 seront faits.