Il y a un parallèle plutôt fascinant à établir entre l’étrange personnage qui est jugé en ce moment à Oslo pour les crimes abominables qu’il a commis en juillet dernier et le meurtrier qui sévissait à Montauban et à Toulouse il y a quelques semaines. Pourtant leurs idéologies sont à l’opposé l’une de l’autre. Le premier se prévaut devant ses juges d’avoir voulu défendre son peuple d’une invasion musulmane, alors que le second se voulait le pur combattant du djihad islamique. Il s’agit donc de deux adversaires absolus. Et pourtant, en dépit de la différence très forte des personnalités, on ne peut qu’être frappé par leur ressemblance foncière. L’un et l’autre, bien sûr, sont des fanatiques, les hommes d’une idée exclusive, qui les domine au point de justifier à leurs yeux les pires transgressions, la pire étant celle du meurtre. Leur obsession les a dévorés, les poussant à récuser toutes les limites et à éteindre en eux-mêmes les sentiments humains élémentaires, le respect, la pitié, la compassion et même la honte de soi.
Quel rôle peut bien jouer l’idéologie dans le processus psychologique qui a détruit la conscience des deux hommes ? C’est Soljenitsyne qui parlait du facteur multiplicateur de l’idéologie qui avait conduit aux massacres du vingtième siècle. Dans les deux cas ici, l’idéologie sert à justifier une conduite individuelle déviante. Elle mène à la folie, tout en prétendant s’énoncer en termes rationnels. Mais qui a dit que « le fou, c’est celui qui a tout perdu, sauf la raison » ? Je sais bien qu’on s’interroge à Oslo entre experts pour savoir si le tueur doit être considéré réellement coupable et donc susceptible d’aller en prison, ou s’il est aliéné, ce qui justifierait un internement en hôpital psychiatrique. Mais c’est une sérieuse discussion de déterminer si celui qu’on appelle fou l’est complètement.
Et que vaut-il mieux pour Anders Behring Breivik ? Je pense qu’il vaut mieux qu’il soit reconnu responsable, sinon sain d’esprit, parce que du point de vue de la dignité humaine il vaut mieux assumer la plus terrible des responsabilités que d’être irresponsable.