La disparition du chef prestigieux de l’Église copte d’Égypte intervient dans une période de grande incertitude pour cette communauté chrétienne, secouée par des évènements aux conséquences encore imprévisibles. Il sera difficile de trouver un successeur à Chenouda III dont l’autorité morale s’est exercée pendant si longtemps et dans le cours d’une histoire mouvementée. Paul VI était pape de Rome à son avènement et c’est d’ailleurs grâce à lui que fut renoué un dialogue interrompu depuis le refus d’Alexandrie d’accepter l’enseignement du Concile de Chalcédoine. A cette occasion, s’était déroulée une cérémonie mémorable. Paul VI avait, en effet, rendu à l’Église égyptienne les reliques de saint Marc son fondateur, dérobées autrefois par des marchands vénitiens. Lors du retour du reliquaire, une foule considérable était réunie dans les rues du Caire, chrétiens et musulmans mêlés, en présence du président Nasser et de l’empereur Haïlé Sélassié.
Cela se passait trois ans avant que Chenouda III n’accède à la tête de son Église, mais le pape copte s’engagea dans la dynamique créée jusqu’à signer avec Paul VI une déclaration théologique qui attestait une commune foi christologique, au-delà des désaccords passés. Sous Jean-Paul II, ce rapprochement fut confirmé par une autre attestation commune qui témoignait d’une meilleure compréhension du cœur de la tradition chrétienne. Si tous les obstacles doctrinaux n’étaient pas levés, c’était quand même le signe d’une avancée vers l’unité.
On sait la situation singulière de l’Église copte d’Égypte, la plus importante du Moyen-Orient, qui préexistait, bien sûr, à la naissance de l’islam et fait donc partie intégrante de l’identité du pays. Des statistiques incertaines empêchent de déterminer exactement le nombre de ses fidèles, mais l’équilibre de l’Égypte ne se conçoit pas sans cette présence massive dont tous les dirigeants politiques ont tenu compte de Nasser à Moubarak. Chenouda III avait été relégué sous Sadate mais réhabilité sous Moubarak avec qui il entretenait de bonnes relations. Trop bonnes, selon certains, qui n’ont pas admis que le pape copte s’oppose à la révolution du printemps arabe. Le destin de ce printemps reste suffisamment improbable pour qu’on soit attentif au sens politique de ce chef spirituel qui avait acquis la stature d’un interlocuteur indispensable, défenseur résolu de son Église contre toutes les exactions et les menaces à plus long terme. C’est dire qu’en saluant cet homme exceptionnel, qui savait allier force morale et humour, on espère vivement qu’un successeur saura assumer l’héritage pour conduire sa communauté sur les chemins périlleux des années à venir.
Cité du Vatican, 18 mars (VIS). Benoît XVI a fait adresser le télégramme suivant au Saint-Synode de l’Eglise copte orthodoxe : «Apprenant avec tristesse le départ vers Dieu, notre Père commun, de Sa Sainteté Chenouda III, Patriarche d’Alexandrie et de la Prédication de Saint Marc, je tiens à exprimer aux membres du Saint Synode, aux prêtres et aux fidèles de tout le Patriarcat mes sentiments les plus vifs de compassion fraternelle. Je rappelle avec gratitude l’engagement du défunt en faveur de l’unité des chrétiens, sa visite mémorable à mon prédécesseur Paul VI et leur signature le 10 mai 1973 à Rome de la Déclaration commune de Foi dans l’Incarnation du Fils de Dieu, ainsi que sa rencontre au Caire avec Jean Paul II au cours du Grand Jubilé de l’Incarnation, le 24 février de l’an 2000. Je puis dire combien l’Eglise catholique toute entière partage la peine qui afflige les Coptes orthodoxes, et combien elle prie avec ferveur pour demander à celui qui est la résurrection et la vie, d’accueillir auprès de lui son serviteur fidèle. Que le Dieu de toute miséricorde le reçoive dans sa joie, sa paix et sa lumière».