Parmi les propositions du candidat François Hollande, on en trouve une qui mérite un examen particulier à cause de ses résonances philosophiques directes. En effet, en voulant supprimer le mot race de la Constitution, le candidat socialiste entend produire une révolution sémantique dont les effets amèneraient une clarification salutaire dans les esprits. Il n’y aurait pas lieu de parler de race, comme on parle de sexe ou de religion, car ce terme est frappé d’une équivoque fondamentale. La race tout simplement n’existerait pas, elle serait le produit d’une construction idéologique visant à inférioriser ou disqualifier certains segments de l’humanité, sous des prétextes biologiques intenables et surtout pervers. Il n’y a qu’une seule espèce humaine dont aucune différence physique ou culturelle ne saurait rompre l’unité fondamentale.
Je résume là à l’excès une réflexion qui n’est pas d’hier. On n’a pas attendu, en effet, la campagne présidentielle de 2012 pour aborder cette question. L’UNESCO s’en était déjà emparée à la fin des années 40. Mon ami Pierre-André Taguieff qui, en cette matière, possède un savoir sans équivalent, m’a confié les grandes lignes de la discussion d’alors, qui a rebondi par la suite. Et j’avoue que c’est un vrai casse-tête intellectuel. Qui possède l’autorité pour signifier que le mot race correspond à un leurre ? Les scientifiques, et notamment ceux qui sont labellisés à l’enseigne de l’anthropologie scientifique ? Mais alors il y aurait danger de réduction scientiste de la question humaine. On ne peut oublier que le racisme lui-même correspond à d’anciennes théorisations qui se réclamaient de la science. Je pense, pour ma part, qu’il y a péril à s’enfermer dans ce scientisme. La perception de ce miracle qu’est l’homme, au-delà de toutes ses appartenances particulières, relève d’un autre éclairage qui est celui de la réflexion philosophique, mais aussi celui de la Révélation.
Ce qui fait que l’homme est unique, c’est qu’il a été créé à l’image de Dieu. Cette création a, en quelque sorte, été confirmée par l’Incarnation du Fils. De ce point de vue, on en revient toujours à Saint Paul aux Corinthiens : « Nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire comme de par le Seigneur qui est Esprit » (2 Co, 3,18).
Chronique lue sur radio Notre-Dame le 14 mars 2012.