Impressionnant tout de même ce meeting de Villepinte. Que l’on soit ou non dans le camp de Nicolas Sarkozy, on ne pouvait ignorer ou dédaigner cette performance militante : performance d’un public et d’un orateur. Bien sûr, il y avait eu auparavant le Bourget, avec François Hollande et la mobilisation réalisée par le Parti Socialiste. Mais c’est bien dans la logique de cette échéance suprême que constitue l’élection présidentielle, et qui exige cette sorte de prouesse où l’on va au fond de ses énergies. Oui, pardonnez l’expression, il y faut « une sacrée santé », une disponibilité de soi-même dont on voit peu d’exemples analogues, sauf peut-être dans certains exploits sportifs.
C’est la constitution de la Ve République qui veut cela. Et pourtant, il est vraisemblable que son fondateur, le général de Gaulle, n’ait vraiment pas anticipé ce type de scénario. Le modèle monarchique qu’il avait en tête plaçait le chef de l’État au-delà de la compétition des partis. Et c’était d’autant plus justifié dans son cas que, préalablement à toute ratification populaire de son pouvoir, l’homme du 18 juin se réclamait d’une légitimité historique. Cela explique qu’en 1965, Charles de Gaulle n’ait pratiquement pas fait campagne, hormis un entretien célèbre à la télévision avec Michel Droit. François Mitterrand était d’ailleurs au moment du renouvellement de son mandat en 1988 un peu dans la même disposition d’esprit, celui d’une légitimité tranquillement assumée.
On n’en est plus là aujourd’hui avec un affrontement direct, impitoyable entre candidats. J’allais dire entre deux candidats, ce qui n’est pas exact. Marine Le Pen, François Bayrou d’abord, et puis les autres ensuite, ont toute leur place dans la campagne. Mais tout se déroule malgré tout dans la préfiguration d’un second tour dont les protagonistes semblent déjà désignés. D’où ce duel qui était évident à Villepinte. Après tout, c’est la configuration des grandes démocraties d’aujourd’hui, singulièrement celle de la démocratie américaine. Alors, la question est de savoir si nous avons bien programme contre programme, vision contre vision, valeurs contre valeurs. Est-ce vraiment en connaissance de cause que le peuple pourra se prononcer pour désigner l’homme qui sera en charge des grandes échéances de la nation ?