L’Église Catholique se dit « Rocher de Saint Pierre », et, ces jours-ci, l’administration Obama semble décidée à attaquer ce rocher en manœuvrant pour un accès universel et gratuit aux contraceptifs, y-compris dans les institutions catholiques.
Pour comprendre comment les catholiques pourraient être empêtrés dans une position ostensiblement contre-culturelle (« anti-contrôle des naissances »), il faut mesurer l’extraordinaire bouleversement survenu depuis la Conférence Anglicane de Lambeth en 1930, première assemblée chrétienne à autoriser un usage limité de la contraception. Si on lisait de nos jours l’éditorial du « Washington Post » en date du 23 mars 1931 traitant de cet événement, on croirait sans hésitation que c’est un pastiche.
Pourtant, l’extrait suivant fait écho de l’opinion dominante des chrétiens à cette époque, aussi bien qu’à celle de la rédaction de ce journal.
« Nul ne peut concilier la doctrine de l’institution divine du mariage avec quelque projet moderniste pour la régulation mécanique ou la suppression de naissances. L’Église doit ou bien renier l’enseignement direct de la Bible, ou bien rejeter les thèmes de « production scientifique » d’âmes humaines. Poussé à sa conclusion logique, s’il était mis en application, le rapport du comité sonnerait le glas du mariage en tant qu’institution sacrée, introduisant des pratiques dégradantes qui encourageraient une immoralité aberrante. Et la suggestion que l’usage légal de contraceptifs serait « délicat et sans abus » montre une immense naïveté. »
Sur quoi se fondait cette opinion répandue dans les années 1930 En partie sur la Bible, mais surtout sur une longue tradition d’éthique chrétienne, pas seulement catholique mais aussi parmi les protestants. Et cependant, peu à peu, à la suite des épiscopaliens [dénomination des anglicans aux États-Unis], d’autres dénominations protestantes acceptèrent la contraception.
Les méthodistes, les presbytériens, quelques synodes luthériens, les mennonites, puis d’autres, les imitèrent au cours des décennies suivantes.
Pourquoi le catholicisme fait-il barrage ? Là encore, il n’y a pas que la Bible, mais une longue tradition depuis les Pères de l’Église. Bien sûr, au début de l’ère chrétienne les contraceptifs existaient déjà — souvent plus risqués que ceux proposés par nos pharmaciens — ainsi que la contraception par avortement. Ils furent l’objet de fréquentes condamnations par les Pères de l’Église et les théologiens — St. Clément d’Alexandrie et Tertullien au deuxième siècle, Minucius Felix et St. Hippolyte au troisième, St. Augustin, St. Basile le Grand et St. Jérôme, ainsi que le Concile d’Ancyre (314) au quatrième. À l’époque de la Réforme, Luther et Calvin ont tous deux condamné la contraception avec véhémence.
Une forme de résistance chrétienne s’est appuyée historiquement sur la Bible, particulièrement sur l’histoire d’Onan (Genèse 38:8-10) qui pratiquait le « coitus interruptus » et fut puni par Dieu pour cet acte. Mais le catholicisme, qui publia la Bible canonique voici 1700 ans, ne s’appuie pas seulement sur la Bible, et l’argumentation des Pères de l’Église ne découle pas que de la Bible, mais aussi de la loi naturelle — cette loi prédominante non écrite, parfois nettement encadrée, qu’on trouve dans toutes les religions et cultures — lois interdisant le meurtre, le vol, l’adultère, etc.
L’Église Catholique n’interdit pas le « contrôle des naissances », selon la « planification familiale naturelle », par exemple avec les méthodes « Marquette » du Dr. Fehring ou « Creighton » du Dr. Hilgers, ou celle du Dr. Billing, méthodes détectant les périodes de fertilité féminine qui se sont montrées aussi fort efficaces pour aider les couples infertiles à obtenir une grossesse. On peut les pratiquer pour « espacer » les grossesses par l’abstinence en période fertile.
Bien que diverses études, en particulier les recherches de l’Institut Paul VI, aient prouvé que la « planification familiale naturelle » est aussi efficace que la pilule, elle n’est pas populaire à cause des périodes d’abstinence nécessaires, ou dans les cas de traitement pour périodes irrégulières de fertilité ou autres motifs nécessitant la consultation de spécialistes.
Donc, l’objection catholique ne s’adresse pas au « contrôle des naissances », mais à la contraception artificielle, c-à-d au blocage de la procréation par des moyens artificiels. Et pourtant, dans le langage courant, « contrôle des naissances » est devenu synonyme de contraception, ce qui, au delà de « contrôle », empêche les naissances.
L’argument « les catholiques utilisent des contraceptifs autant que tout le monde » n’est qu’une nouvelle formulation du principe de morale « tout le monde fait comme çà ». Mais cet argument ne repose pas sur les faits, comme l’a révélé une enquête du Washington Post. L’opinion répandue que 98% des femmes américaines catholiques ont pratiqué la contraception au cours de leur vie s’appuie en fait sur une enquête de l’Institut Guttmacher en 2006 – 2008 auprès de 7356 femmes âgées de 15 à 44 ans, où 68% des femmes catholiques avaient utilisé une forme de contraception. Le chiffre 98% provenait d’une erreur d’interprétation de tableaux. L’Institut Guttmacher a publié ultérieurement un correctif.
L’Encyclique « Humanae vitae » du Pape Paul VI en 1968 mettait en garde contre quatre inévitables résultats de l’usage trop répandu de la contraception: 1/ augmentation de l’infidélité conjugale; 2/ baisse générale de la moralité; 3/ perte du respect dû par les hommes envers les femmes, et tendance à les traiter comme « objets de plaisir personnel » et non comme partenaires bien-aimées; enfin, 4/ le soutien massif des gouvernants en faveur de la contraception.
Pratiquement personne ne niera que les trois premières prédictions se sont réalisées. En ce qui concerne la quatrième, la plupart d’entre nous aura à l’esprit l’exemple de la Chine et de sa politique d’un seul enfant par famille.
Nous sommes maintenant en présence de l’inconcevable: qu’un gouvernement des États-Unis s’arroge le droit d’imposer la contraception, directement ou indirectement, par le biais des assurances ou des taxes, ou au frais des établissements auto-assurés, des universités, hôpitaux et autres institutions catholiques.
Sandra Fluke, étudiante en droit à l’Université Georgetown [Université catholique], se plaignait récemment auprès de Nancy Pelosi [présidente du groupe Démocrate (gauche) au Congrès] d’avoir à débourser 1000 dollars par an pour ses dépenses de contraception 1. Le Président Obama a par téléphone accordé son soutien à Mlle Fluke. Et il a préparé un décret qui, s’il passe, procurera à des individus comme Sandra Fluke les subventions réclamées.
C’est à l’affiche ! On demande maintenant au peuple américain, qu’il soit d’accord ou non avec la contraception, d’aider ceux/celles qui ne se sentent pas obligés d’assumer leurs dépenses de contraceptifs. On voit la logique qui se développe depuis ce que même le « Washington » Post pouvait voir en 1930, et que maintenant seulement peu de personnes religieuses peuvent remarquer.
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Photo : La conférence de Lambeth, 1930.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/new-challenges-on-birth-control.html