Une discussion est née ces temps-ci dans les milieux catholiques à propos des choix à faire en politique, et particulièrement parmi les programmes des candidats aux présidentielles. À partir de quoi se déterminer ? Les évêques de France ont donné des points de repère et le cardinal André Vingt-Trois a publié un ouvrage intitulé Quelle société voulons-nous ?, afin d’éclairer les choix des chrétiens. Il est bien entendu que ceux-ci sont laissés à leur libre décision, à leur liberté de suffrage. Il n’en a peut-être pas été toujours de même, mais il est avéré qu’il y a de larges différences de sensibilité entre les catholiques, qui se déterminent selon des critères idéologiques parfois opposés. Mais c’est justement à partir de là que surgit la question : n’y a-t-il pas, au regard de la conscience morale et de l’éclairage de l’Évangile, des points non négociables qui excluent que l’on vote pour des candidats dont le programme transgresse certains principes essentiels ?
C’est Benoît XVI lui-même qui a parlé de principes non négociables, et il en énonce trois : la protection de la vie, la reconnaissance de la structure naturelle de la famille et la protection du droit des parents d’éduquer leurs enfants. Pourtant nos collègues de Témoignage Chrétien objectent qu’il y a d’autres domaines de la vie sociale qui exigent aussi la claire détermination des croyants. N’y aurait-il pas une propension à privilégier ce qu’ils appellent « la morale familiale et personnelle » au détriment de la justice sociale, de la lutte contre la pauvreté, de l’engagement contre les discriminations ? On peut retenir l’objection, en se réclamant d’ailleurs de l’enseignement de la doctrine sociale qui ne laisse pas de doutes en ces matières. Lorsque vient l’heure du choix, surgissent incontestablement ce que les moralistes appellent des conflits de devoir. Les programmes dans leur ensemble ne répondent pas à la totalité des exigences de la conscience. Alors faut-il choisir le moindre mal ? Mais qu’est-ce que le moindre mal, dès lors qu’il est avéré que certaines transgressions ne sont pas admissibles ? En tout état de cause, le citoyen qui se réclame de convictions non négociables devra toujours affirmer haut et fort qu’il ne transigera pas et n’aura de cesse de faire entendre auprès du Créon républicain la voix d’Antigone gardienne des lois non-écrites.
Chronique lue sur Radio-Notre-Dame le 1er mars 2012.
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