« On a tort de sous-estimer le pouvoir de la loose. » Telle est la devise d’Avenue Q. Au demeurant, l’assonance ne vaut qu’en français, même si la thématique grivoise tient le haut du pavé de cette avenue réputée à New York pour être celle où échouent les paumés de tout poil. L’avenue A étant la plus select, atterrir là signifie qu’on a déjà dégringolé de nombreux barreaux de l’échelle sociale du Rêve Américain.
C’est le cas de Princeton, la marionnette star de ce show hors normes. Étudiant fauché « même avec bac+20 », il cherche un but à sa vie… mais se contenterait d’un job et, pour commencer, d’une petite chambre d’avenue Q. La faune qu’il rencontre est un joyeux mélange d’humains et d’être de « bourre et de poils » manipulés à vue par des comédiens chanteurs si doués qu’ils induisent chez le spectateur bluffé un syndrome de schizophrénie. Qui parle ? Qui chante ? On est sans cesse surpris et amusé par cet univers syncrétique. Au nombre des humains, Brian, acteur comique raté en mal de contrats et sa fiancée japonaise, Tatami, psychothérapeute pratiquant le « hi pon » psychologique qui terrasse ses patients. Willy, chargé des poubelles et d’un passé frustré de star puisqu’il fut l’éternel faire-valoir d’Arnold… et Willy.
Au rang des marionnettes, deux catégories : les humanoïdes et les monstre hirsutes. Parmi les premiers, Rod, courtier en assurances, roide et coincé qui finira par faire son « coming out » (air du temps oblige !). Princeton bien sûr dans le rôle du prince charmant jetant sa gourme à l’instigation de la lascive et vénale Lucie la salope, surnom bien mérité. Deux oursons jaune et bleu, amis pourris jouent ses mauvais anges. Côté peluche, Trekkie Monster, une sorte d’orang-outan velu et pervers, addict des sites pornos. La délicieuse Kate Monster, maîtresse d’école idéaliste rêvant de construire un jour la « Monsterssori’s School » ouverte à tous les déglingués de la vie et de trouver, enfin, malgré sa pilosité généreuse, un prince charmant qui en pince (à épiler !) pour elle. Le dernier, c’est Nicky, à poils verts, looser au grand cœur. Dans cette cour des Miracles, le perdant est le roi : « ça craint d’être moi » (It sucks to be me) expression devenue culte aux USA. Mais, si pauvre qu’on soit, il y a toujours plus malheureux que soi. C’est la « Shadenfreude » que tous entonnent avec jubilation : « La dernière fois que j’étais bien, se demandent-t-il… ce sera demain ! » A Avenue Q, on vit d’espoir et on admet qu’on est tous « un titi peu racistes ». Non seulement « j’ suis dans la merde chante Nicky, rejeté de tous à cause de ses mauvaises manières, mais j’y habite ! »Cependant pas de mélancolie pour autant. On s’éclate à tous les étages et Princeton, tombé sous le charme échevelé de Kate en fera l’expérience en révisant ses positions lors d’un Kama-sutra – muppet-show des plus endiablés. (Le spectacle, rappelons-le, est interdit aux moins de 12 ans sauf à ceux qui ont des parents « cools » soucieux de leur transmettre très tôt ce gai savoir rabelaisien !)
Avenue Q est une fable sociétale et jouissive (!) qui se plaît à montrer notre vie ordinaire en plus drôle. Mais, sous la bouffonnerie affleure l’humain et même la foi. A Nicky qui fait la manche sans succès, Princeton fauché fini par lâcher un dollar « au nom de Jésus » ! Et l’infâme Trekky Monster, qui a fait fortune sur les sites pornos, donnera à Kate les millions de dollars nécessaires à fonder son école en répondant anonymement à la « quête pour Kate » tant il est vrai « qu’aider son prochain c’est trop vachement super bien ! » Le Christ ne nous avait-il pas déjà mis en garde : « En vérité, je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu. » Matthieu 21,31.
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