La diversité des opinions et des engagements reflète la complexité de la scène politique et la difficulté pour établir des priorités parmi tous les problèmes qui se posent en France, en Europe et dans le monde. Les analyses des experts sont parfois tellement contradictoires. La semaine dernière, le Figaro Magazine publiait un long entretien avec Philippe Manière, bien connu pour ses convictions libérales en économie, tandis que le Monde donnait la parole à Michel Rocard, l’ancien Premier ministre. Nous avons affaire à deux hommes certes de générations différentes, mais aussi passionnés par l’économie et s’interrogeant ardemment sur le devenir de la planète. Eh bien, ils ne sont d’accord absolument sur rien, et leurs diagnostics sont radicalement contradictoires. L’un et l’autre viennent de publier leur propre ouvrage où ils formulent leur proposition en fonction des évolutions actuelles.
Pour Philippe Manière, le problème pour la France est de retrouver une compétitivité qui ne cesse de s’éroder depuis un quart de siècle, en se lançant résolument dans les flux d’une mondialisation qui, pour lui, offre plus d’opportunités que de risques. À cette fin, il faut renoncer au modèle français qui nous plomberait. Michel Rocard affirme, lui, qu’il faut en finir avec la mentalité libérale et il appelle de ses vœux « une société moins marchande, moins soumise à la compétition, moins cupide et organisée autour du temps libre ». Oui vraiment, Manière et Rocard sont aux antipodes l’un de l’autre.
L’ancien Premier ministre de François Mitterrand a demandé à François Hollande de préfacer son essai, mais je ne suis pas sûr que le candidat socialiste partage tous les points de vue de son aîné. Quant à Philippe Manière, il est sans doute plus proche de Sarkozy mais il reproche au Président sortant sa timidité et ses demi-mesures. Les deux essayistes échappent aux fièvres de la joute électorale, mais si d’aventure ils y participaient, ils ne feraient qu’ajouter à la violence des désaccords. C’est dire les exploits considérables qui s’imposent pour s’y reconnaître ! Les experts sont plus divisés encore que les politiques. Cela ne veut pas dire qu’il faut désespérer et se retrancher de la controverse. Nous vivons un moment extraordinairement sensible, où les responsabilités civiques n’ont jamais autant pesé.
Michel Rocard, Mes points sur les i, Odile Jacob
Philippe Manière, Le pays où la vie est plus dure, Grasset
