Folle du logis, carême et e-ascétisme - France Catholique
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La justice de Dieu
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Folle du logis, carême et e-ascétisme

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Les moines bouddhistes emploient une expression adorable pour désigner une pensée vagabonde: pensée de singe [équivalence en français, « la folle du logis »]. Imaginez un singe passant de branche en branche à la recherche de bananes ou de noix, ou — pour mêler les métaphore animalières — faisant une joyeuse cavalcade avec la bande des autres singes. Naturellement, les moines cherchent à s’élever au-dessus pour atteindre un état de profonde contemplation.

Contrairement aux apparences, il est parfois utile de laisser la pensée vagabonder comme un singe. Très peu d’entre nous peuvent être des moines à plein temps. Et ce n’est pas si mal. Si nous ne nous occupions pas activement à payer nos factures, guider nos enfants, gérer tout le nécessaire de la vie quotidienne, nous serions en pratique de piètres singes.
Le défi — pas commode — est de trouver une méthode, chaque jour, pour éviter de nous laisser manger par le train-train et nous consacrer aussi à des sujets de profonde réflexion. Le carême est, bien sûr, la bonne période pour songer à ce qui nous handicape le plus dans la recherche de cette réflexion enrichissante.

Comme chacun, j’ai besoin, pendant le carême, des disciplines habituelles: jeûner et prier davantage. Ces deux pratiques, nous en sommes assurés par le Seigneur, sont la seule façon d’évacuer certains maux.

Ces dernières années, cependant, j’ai découvert un autre problème de plus en plus encombrant. Il peut paraître étrange que le rédacteur en chef d’une publication sur internet ose en parler, mais je trouve qu’internet est la pire distraction de toutes. Si on ne maîtrise pas cette forme de vagabondage du singe (ou de la folle du logis), alors les efforts spirituels peuvent simplement être vains.

Internet a bien des côtés utiles. Simplement « surfer » peut être utile — à condition de savoir à l’avance se limiter dans le temps et les domaines à explorer. Mais il existe toujours une tentation, quelque chose comme le troisième verre de vin, de franchir les limites.

Alors je me suis donné des règles de ce que j’aime appeler « e-ascétisme ». Première manœuvre en m’asseyant à mon bureau, couper le programme de courriel et le navigateur sauf si j’en ai vraiment besoin pour mon travail en cours. Et je ne les rouvre qu’à heures fixes et pour une durée déterminée, sauf urgence. Même chose pour mon « smartphone ».

L’idée est de plus en plus répandue, et c’est pire chez les jeunes, qu’il faut à chaque instant nous relier à quelqu’un de bien plus éloigné que les gens avec qui l’on est. Il n’y a rien de plus absurde que deux ados marchant côte à côte, chacun en train de téléphoner avec son portable — à quelqu’un d’autre.

Si vous tentez de suivre les quelques règles simples ci-dessus, vous verrez l’emprise extraordinaire que le vagabondage internet a sur votre attention. Les neurologues commencent à étudier comment cette sorte d’interaction avec les appareils électroniques peut modifier notre chimie cérébrale — et les résultats ne sont pas bien jolis.

Le vagabondage des idées est un thème commun dans les manuels de spiritualisme. Mais les auteurs classiques [sur le sujet] n’avaient pas à traiter de l’aspect « numérique » comme nous à présent. D’un côté, ce peut sembler un écart de la sagesse traditionnelle que s’inquiéter de cette question. Mais d’autre part ce peut être précisément cette forme de tentation qui invite à une pensée renouvelée — et à « l’e-ascétisme ».

J’entendais récemment une homélie prononcée par un prêtre astucieux mettant en garde contre de nouvelles formes inhabituelles d’envie : il avait remarqué lors de confessions, que des gens éprouvaient de plus en plus de convoitise pour télécharger et collectionner des fichiers de musique MP3. Et même sans aller trop loin vers cette avalanche effrayante de sites porno, on peut trouver nombre de variantes numérisées de nos vieux sept péchés capitaux.

Mais comme dans presque tous les cas, la nouvelle « e-civilisation » peut apporter aussi de grands biens. Je trouve sur mon « smartphone » la « Liturgie des Heures », et je n’ai donc aucune excuse pour ne pas dire mes prières du matin et du soir où que je me trouve. Certains jours je tire le meilleur de moi-même dès le saut du lit, et cette pratique me donne le sentiment d’agir mieux que jamais.

Et si vous pouvez vous abstenir de gloutonnerie intellectuelle, vous pouvez aller picorer par internet dans la Bible, St. Augustin, St. Thomas d’Aquin, le Bienheureux Newman, Chesterton, et bien d’autres maîtres de la spiritualité, à quelques « Clics » d’ici. (et, pourquoi pas aussi « thecatholicthing.org » ou « france-catholique.fr »1…, à regarder tous les jours).

Dans certains cas il vous faut le livre physiquement entre les mains — un livre que vous pouvez annoter et feuilleter à votre gré. Mais quelle que soit la forme vous devrez lire lentement, en profondeur. Une des pires erreurs dans la vie intellectuelle comme dans la vie spirituelle, consiste à confondre quantité et qualité. Il est facile de cliquer sur un autre sujet. Il est difficile de rester concentré et de méditer sur ce qui exige du temps et un engagement personnel.

Je vous souhaite un bon carême. Et bonne chance pour votre « e-ascétisme ».


Photo : Sur la tablette: prière du matin


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/monkey-mind-lent-and-e-asceticism.html

  1. petit ajout du traducteur