Vérités matérielles, vérités surnaturelles - France Catholique
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La justice de Dieu
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Vérités matérielles, vérités surnaturelles

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Nous connaissons tous ces adages : vous ne l’emporterez pas dans l’au-delà – mourant avec plein de jouets, on n’en meurt pas moins – à quoi bon posséder le monde entier si on perd son âme ?

Nous saisissons le bien-fondé de ces proverbes, mais en fait l’accumulation d’argent ou de joujoux, purement instinctive, semble bien plus urgente pour la plupart d’entre nous que l’acquisition de trésors dans le Ciel. Ce n’est pas une simple question d’avarice: pas besoin de ressembler à Ebenezer Scroodge [NDT : Affreux avare chez Charles Dickens] pour sentir l’urgence de noter une liste de courses ou de consulter les courriels alors qu’on se prépare à prier.

St Alphonse Liguori saisit avec éclat cette tension, ce conflit dans l’âme humaine entre les questions matérielles et les questions surnaturelles.
« Si une maison est endommagée, que ne fait-on sans délai pour la réparer? Si on perd un bijou, que ne fait-on pour le retrouver ? Âme à l’abandon, grâce divine égarée, les hommes continuent à sourire et dormir. Nous prenons le plus grand soin à notre bien-être matériel, et négligeons presque tout de notre salut éternel. Nous disons bienheureux ceux qui ont renoncé à tout pour aller vers Dieu, pourquoi donc sommes-nous si attachés aux biens de ce monde? »

La dernière question de St Alphonse souligne le grand défi de vivre une vie spirituelle à une époque où l’abondance de biens matériels et des obligations qui en découlent grandit jour après jour. Si Dieu et les biens surnaturels sont les plus importants, pourquoi est-ce si difficile de s’y consacrer? Existent-ils seulement? Et s’ils existent, comment les déceler?
Le péché originel a disloqué l’harmonie intérieure de l’âme et du corps existant lors de la création. Au lieu de quoi, « la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair; il y a entre eux antagonisme, si bien que vous ne faites pas ce que vous voudriez. » (Galates, 5:17). Ce que nos âmes voudraient — chercher l’union à Dieu — est entravé par la chair qui cherche sans cesse confort et amusements sur terre. Cette concupiscence rend incroyablement urgentes nos broutilles terre-à-terre et cause la difficulté à nous approcher de Dieu.

Comment donc après sa chute l’humanité donnera-t-elle priorité au surnaturel sur le matériel afin que son âme retrouve le chemin vers Dieu? La sixième béatitude promet: « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. » (Matthieu, 5:8). Dans le premier « Jésus de Nazareth » l’exégèse de ce verset par Benoît XVI débute non par l’expression « bienheureux » mais par  » le cœur, organe permettant de voir Dieu. L’intelligence ne suffit pas. » Selon Benoît XVI le cœur représente « la totalité de l’homme », nécessitant union et coopération entre l’âme et le corps: « cela signifie qu’il situe son corps sous l’autorité de l’esprit sans pour autant séparer intelligence et volonté. Il s’accepte comme issu de Dieu et donc reconnaît et vit le côté concret de l’existence comme devant servir à enrichir l’esprit.»

L’intégration — non le conflit — de l’esprit et de la chair trace le chemin préféré de Benoît XVI pour voir Dieu. Mais pour voir Dieu il ne suffit pas de réunir l’esprit et le cœur, il faut que le cœur soit pur, et Benoît XVI trouve dans les Psaumes et chez St. Paul que « chercher Dieu, chercher Son visage est la première condition de la montée qui mènera à Dieu ». Cette recherche implique d’abord l’adhésion au Décalogue, mais trouve une signification encore plus intense dans l’Incarnation, car « la purification du cœur se trouve en suivant le Christ, en devenant un des Siens. »

Pour Benoît XVI la pureté du cœur — et la récompense qui en viendra — ne survient qu’en adorant la croix. « La montée vers Dieu se produit justement en s’abaissant vers un humble service, en descendant par amour, car l’amour est le propre de Dieu, et donc a le pouvoir de vraiment purifier l’homme, lui permettant de distinguer, de voir Dieu . . . Dieu s’abaisse au point de mourir sur la Croix. Et c’est précisément en agissant ainsi qu’Il se révèle dans sa véritable divinité. Nous montons vers Dieu en l’accompagnant dans Sa descente. »

Mais que dire de ceux qui tentent de toutes leurs forces d’accompagner le Seigneur sur son chemin, et s’en écartent dès qu’une distraction se glisse sous leurs pas? Le christianisme a toujours comparé la vie à un voyage, à un pèlerinage, ce qui explique la lenteur de la tâche incessante de purification de nos cœurs; ce n’est certes pas une transformation instantanée.

Issus de la chute originelle, nous pouvons être certains que nos corps échapperont à la discipline de l’esprit un jour ou l’autre — et même plus d’une fois. C’est alors, non pas quand notre vue est dégagée mais quand nous succombons, et entamons une descente avec le Christ, que nous pouvons bien sentir la réalité du surnaturel s’insérant dans notre champ de vision.


Portrait : St Alphonse Liguori


http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/natural-realities-vs-supernatural-realities.html