Jean-Pierre Chevènement se retire de la course à l’Élysée. Ce n’est pas vraiment une surprise. Il apparaissait dès le début que la candidature du « Che » était avant tout de témoignage et qu’il avait besoin de la tribune qu’offre la campagne présidentielle pour présenter ses idées, ses propositions, et surtout ses analyses. Car l’ancien maire de Belfort est d’abord un remarquable analyste politique, en raison de sa vaste culture et notamment de sa bonne connaissance de l’histoire européenne, dominée par les relations franco-allemandes. Longtemps, il a passé pour une sorte d’extrémiste à la gauche du parti socialiste. N’était-il pas l’anti-Rocard, celui qui incarnait la vraie tradition de gauche à l’encontre de ce qu’il appelait sans tendresse « la gauche américaine ». C’est vrai que Jean-Pierre Chevènement a toujours été attaché à une idée pure de la République, en un sens d’ailleurs assez romain. La défense de l’intérêt public, les missions régaliennes de l’État constituent pour lui des priorités. Sa conception dirigiste de l’économie, qui ne fait pas de doute, l’a toujours dressé en ennemi du libéralisme.
Avec la distance, on remarque mieux combien cet homme de gauche était aussi un modéré, si paradoxal que cela paraisse. C’est ce qui le rattache à la social-démocratie, en dépit de toutes les critiques qu’il a pu faire des dérives libérales de celle-ci. En 2002, sa campagne présidentielle, qui était bien partie, fut freinée par sa répugnance à chasser sur les terres du Front National. Son attachement à la nation est, en effet, exclusive de la dérive anti-immigrés qu’il n’a jamais voulu intégrer. Non qu’il professe l’ouverture incontrôlée des frontières à l’immigration. Ce serait contraire à son opposition constante à la dérégulation. Mais il estime que la tradition humaniste de la France est incompatible avec l’hostilité à l’étranger, d’autant plus quand celui-ci est pauvre.
Chevènement ne ralliera pas Hollande sans conditions. Et il est plus que probable qu’il continuera à intervenir pour faire bouger les lignes, comme il se plaît à le répéter. Il serait, me semble-t-il, dommage que sa voix manque au débat, d’autant plus que sur le terrain sociétal il me paraît plus réservé par rapport à des dérives éthiquement dangereuses.
Chronique lue sur radio Notre-Dame le 2 février 2012.