Le Centre européen pour le Droit et la Justice (ECLJ) se réjouit de l’adoption par l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), le 25 janvier 2012, d’une Résolution établissant le principe selon lequel « L’euthanasie, dans le sens de l’usage de procédés par action ou par omission permettant de provoquer intentionnellement la mort d’une personne dépendante dans l’intérêt allégué de celle-ci, doit toujours être interdite ». C’est la première fois, depuis les dernières décennies, que l’euthanasie est ainsi clairement condamnée par une institution politique européenne.
Cette résolution est une grande victoire pour la protection de la vie et de la dignité humaines. Elle intervient quelques mois après un jugement de la Cour européenne des droits de l’homme affirmant l’absence de tout droit à l’euthanasie ou au suicide assisté au titre de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle aura un impact sur un arrêt important que la Cour européenne doit rendre ces prochains mois sur l’interdiction de l’euthanasie en Allemagne.
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Cette résolution, intitulée « Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients » (n° 1859 (2012), a pour objet de définir les principes applicables en Europe aux « testaments de vie », autrement appelées « directives anticipées ».
Ces testaments de vie ou directives anticipées ont pour but de permettre à chacun d’exprimer par avance sa volonté de ne pas être maintenu en vie en telle ou telle circonstance, au cas où il ne serait pas en mesure de s’exprimer le cas échéant. Ces directives peuvent être utiles quand il y a un doute sur la nécessité ou l’opportunité de réanimer un patient ou d’avoir recours à des moyens extraordinaires pour le maintenir en vie. Dans des telles situations, il convient de prendre en compte les souhaits précédemment exprimés par les patients.
Compte tenu du caractère délicat de l’objet des directives anticipées, notamment du fait qu’elles sont susceptibles d’abus et constituent souvent un moyen déguisé pour légaliser l’euthanasie, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe à jugé utile d’établir une liste des principes devant gouverner cette pratique dans les 47 Etats du Conseil de l’Europe. Cette liste est fondée sur des principes élaborés préalablement dans trois documents adoptés par le Conseil de l’Europe [1], dont la Convention sur les droits de l’homme et de la biomédecine (Convention d’Oviedo), qui est contraignante pour la majorité des Etats membres. Cependant, en réponse à ceux qui militent pour un droit à l’euthanasie, l’APCE a jugé nécessaire de rappeler de manière explicite le principe fondamental selon lequel « provoquer intentionnellement la mort doit toujours être interdit ». L’interdiction de l’euthanasie est aussi une règle fondamentale de la déontologie médicale.
L’interdiction absolue de l’euthanasie étant posée, la Résolution énonce les autres principes directeurs, parmi lesquels un autre mérite particulièrement d’être mentionné : il pose que « en cas de doute, la décision doit toujours viser à préserver la vie de l’intéressé et à en prolonger la vie » (§ 7.8.).
Pour Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ, cette résolution est le signe explicite que la grande majorité des européens est opposée à l’euthanasie. Les nombreux cas d’abus signalés dans les pays permettant l’euthanasie sont alarmants et constituent de réelles violations des droits humains. C’est une évidence que l’euthanasie doit toujours être interdite ; l’expérience prouve en outre que la légalisation de l’euthanasie est une pente glissante : la perte du repère fondamental qu’est le respect absolu de la vie conduit à terme à un recours massif à l’euthanasie, forcée ou sur demande.
Même si cette résolution n’est pas contraignante pour les Etats membres, elle a une réelle influence sur le processus législatif et juridictionnel.
– S’agissant du processus législatif, l’APCE « recommande donc au Comité des Ministres[les 47 ambassadeurs nationaux à Strasbourg] d’attirer l’attention des Etats membres sur la Résolution 1859 (2012) de l’Assemblée et de leur demander de la mettre en œuvre ». Ainsi, suite à cette Résolution, le Conseil de l’Europe va demander aux quelques Etats européens permettant l’euthanasie de réviser leur législation à la lumière des principes établis par l’APCE.
– S’agissant du processus juridictionnel, cette résolution aura un impact sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment sur l’affaire Koch c. Allemagne. Dans cette affaire la Cour est appelée à décider si l’interdiction du suicide assisté en Allemagne est conforme à la Convention. Le requérant, M. Ulrich Koch, se plaint notamment du refus des autorités allemandes d’autoriser sa femme à se procurer une substance létale. (voir l’analyse détaillée de cette affaire faite par l’ECLJ).
Il y a un an, le 20 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l’homme avait déjà rendu public un arrêt relatif à l’assistance au suicide (affaire Haas c. Suisse). Tout en admettant une sorte de droit au suicide, la Cour avait rejeté l’idée selon laquelle un droit au suicide assisté découlerait de la Convention et devrait être garanti par l’Etat. Cependant, contrairement à ce que l’Assemblée vient d’affirmer, la Cour n’avait pas dit que le suicide assisté est en soi une violation du droit à la vie garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. (Voir analyse de cette affaire faite par l’ECLJ )
Comme le souligne M. Luca Volontè, président du groupe PPE de l’APCE : « l’année dernière nous avons obtenu une grande victoire, en réaffirmant le droit à l’objection de conscience des professionnels de santé ; aujourd’hui nous avons mené le bon combat et nous avons gagné, grâce à Dieu, contre une réelle tyrannie idéologique de la culture de mort (…) ; maintenant, l’euthanasie est complètement bannie de l’APCE ». Merci à M. Luca Volonte et aux autres membres de l’APCE qui ont convaincu l’Assemblée de rappeler le principe fondamental selon lequel « provoquer intentionnellement la mort doit toujours être interdit ».
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Pour aller plus loin :
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Euthanasie : la Cour européenne doit se prononcer sur deux nouvelles affaires.
- L’adoption homosexuelle devant la Grande Chambre de la Cour européenne
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La France condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir voulu renvoyer dans son pays un copte égyptien accusé de prosélytisme