La littérature interdite à Sciences Po - France Catholique
Edit Template
Le martyre des carmélites
Edit Template

La littérature interdite à Sciences Po

Copier le lien

J’avais signalé à la mi-décembre dernier la suppression de l’épreuve écrite de culture générale au concours d’entrée à Sciences Po Paris. Et je tiens à revenir aujourd’hui sur le sujet. Comment, me dira-t-on ? N’y a-t-il pas des sujets d’actualité grave à commenter, telle la suppression du triple A (par une agence de notation), qui secoue en ce moment la France et se répercute à travers toute l’Europe ? Certes, je trouve la nouvelle fâcheuse, la déplore, mais il y a suffisamment de commentateurs autorisés de l’économie pour que je m’efface devant leurs avis éclairés, et d’ailleurs contradictoires. Si j’insiste sur cette question de culture générale, c’est qu’elle intéresse beaucoup moins alors qu’elle est à mes yeux essentielle. Il est paru à ce propos un article étonnant de Pierre Bénichou dans le dernier numéro du Nouvel Observateur. Il est digne de relancer la querelle.

Bénichou raconte comment il a été pressenti justement par Sciences Po Paris pour diriger un séminaire sur « le récit journalistique » et comment il a dû renoncer. Le malheureux était persuadé qu’il entraînerait l’enthousiasme des brillants sujets de la rue Saint Guillaume, en leur montrant quelle inspiration incomparable pouvait être la littérature française pour le journalisme contemporain. Il brûlait de communiquer toutes ses références classiques et modernes dans le cours d’un enseignement, où ses étudiants pourraient lui renvoyer la balle. Rimbaud, La Bruyère, Flaubert, il y avait là tout un trésor où puiser pour devenir de bons journalistes clairs et persuasifs. Il fut accueilli par une indifférence « même pas polie ». Et de plus, admonesté par la direction de l’école. Monsieur Bénichou, vous n’y êtes pas du tout !

Le papier de notre collègue est à la fois magnifique et terrifiant. Magnifique, car il montre comment, à son âge, on a encore la foi dans une culture sérieuse et profonde. Terrifiant, parce qu’il donne le sentiment que c’est de plus en plus une franche hostilité qui préside à l’étranglement aussi bien de la littérature, de l’histoire que de la pensée philosophique. Quelque chose d’essentiel est sur le point de se produire, qui touche à l’avenir de l’intelligence et pourrait bien revêtir une importance plus grande encore pour le futur que la perte de notre triple A.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 16 janvier 2012.