Joué par deux cents amateurs, mais d’une qualité professionnelle (les arrangements et orchestrations sont d’ailleurs de Thierry Malet, caméra d’or au festival de Cannes pour « Imago »), « Ourra » s’est rôdé l’an dernier auprès de (excusez du peu) sept mille spectateurs. Par souci missionnaire, cette année comme l’an dernier, il ne se donne que dans les salles profanes. Comme l’Olympia de Paris, par exemple…
« Ourra » en est à sa deuxième saison. Ce spectacle musical reprend le texte des Actes des apôtres, souvent à la lettre près. Au début de la représentation le chœur paraît un peu statique tandis que le récitant ou un autre personnage capte l’attention. Mais, rapidement, le spectacle trouve son rythme et ses marques. Il est clairement didactique, mais qui s’en plaindrait ? Le public ne vient-il pas là, dans sa grande majorité, pour entendre un message déjà connu mais qu’il veut se remémorer, retrouver présenté sous un angle un peu différent ? Un peu seulement, car la mise en scène nous montre des personnages vêtus comme à l’époque : il y a très peu d’interprétation et beaucoup d’illustration. Sans effets spéciaux ni grandiloquence, en particulier en ce qui concerne les miracles. Les lumières, par contre, sont régulièrement mises à contribution pour accentuer une ambiance. L’accent n’est pas mis sur le merveilleux, mais plutôt sur la vie quotidiennes d’une Église naissante, avec son lot d’hésitations, de difficultés, de rouerie parfois (le couple d’Ananie et Saphire). Il n’y a pas de héros, seulement des croyants qui cherchent à comprendre, et parfois commencent par se tromper jusqu’à l’intervention du Saint-Esprit : le disciple Ananie à Damas devant accueillir Paul, Pierre face à son songe jusqu’à ce qu’il rencontre Corneille, etc.
Au rang des trouvailles, la plus frappante est sans doute de donner au Saint-Esprit la forme d’un jardinier qui arrose et entretient des plantes, lesquelles poussent librement, et d’en faire le récitant du spectacle. Ainsi est manifesté de façon claire le fait que l’Église est née accompagnée du souffle de l’Esprit. À noter aussi, le chant du « blues du pharisien » (il y a là une erreur assumée : le grand prêtre, qui le chante, n’était pas pharisien mais sadducéen), qui montre les limites qu’il perçoit quant à son rôle, la conscience qu’il a de son ignorance et son goût pour le pouvoir.
Les transitions sont bien trouvées, qui ne se cantonnent pas à mettre bout à bout des épisodes mais aussi à remplir les blancs de façon intelligente et fidèle. Ainsi l’évolution de l’attitude de Saul de Tarse est-elle mise en lumière par un monologue dans lequel il dit son état d’esprit, après le martyre d’Étienne, au cours duquel il reste silencieux : les faits sont respectés et ce qui est dit sous la forme d’un récit dans les Actes est là transformé en plan de campagne soliloqué et en visite (dialoguée) aux autorités pour obtenir ses recommandations auprès des synagogues.
Comme dans tout bon spectacle, une clef est donnée à la fin, pour permettre de bien la mémoriser : « Le cœur du mystère chrétien, c’est la croix ».
La force de la Parole
Des mélodies qui ressemblent beaucoup à celles de nos assemblées dominicales, un texte qui peut paraître littéraire à force d’être littéralement cité (« Sachez ceci et prêtez attention à mes paroles… », « De l’or ou de l’argent, je n’en ai pas, mais ce que j’ai je te le donne : au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche »…) : ce spectacle a-t-il simplement pour objet de confirmer les pratiquants dans leur foi ou bien est-il missionnaire ?
À entendre les témoignages des comédiens qui ont vu telle salle ne comportant que peu de chrétiens applaudir à tout rompre ou telle belle-mère athée y venir, puis y revenir avec une amie, il faut constater avec eux la force de la Parole (et la justesse de l’intuition de l’auteur). Ce fait est d’ailleurs à la source de l’attitude des Gédéons, ces protestants qui distribuent des Bibles dans les hôtels, prisons, hôpitaux… en faisant une confiance entière au texte révélé pour toucher les cœurs. Tant mieux, alors, et que notre christianisme soit décomplexé.