Après les excès de libation des fêtes, vins, liqueurs, champagne, ou bière, réfléchissons à ce que nous buvons en tant que catholiques.
Chez les méthodistes où j’ai été élevé, on recevait la Communion le premier dimanche du mois, irrégulièrement, sous la forme de pain avec levain, coupé en petits morceaux disposés dans un verre au milieu d’un plateau d’argent circulaire. Sur les bords du plateau, des petits gobelets en carton étaient remplis de jus de raisin. On se passait le plateau de l’un à l’autre, de rangée en rangée : un morceau de pain et un jus.
Chez les Catholiques que j’ai rejoints, le vin était bien réel — comme la Présence réelle — mais souvent de piètre qualité : pas un rouge robuste mais un blanc liquoreux (à cause des tâches sur le linge de l’autel, mais cela justifie-t-il un Sauternes bas de gamme ?)
Le vin dans les cérémonies religieuses est de pratique ancienne : sacramentelle et hygiénique. Pendant fort longtemps au cours de l’histoire, à moins de posséder un puits d’eau profonde, il était dangereux de boire de l’eau. Les systèmes de purification (bouillir l’eau puis la filtrer) étaient connus deux millénaires avant le Christ puis se perdirent au cours du Moyen Age pour ne réapparaître qu’au milieu du XIXe siècle grâce à Pasteur et Lister.
Le vin de l’autel, selon le Code canonique (Canon 924), doit être « fabriqué avec les raisins de la vigne et non corrompu » — c’est-à-dire non vinaigré et non fait à base de pommes ou de pissenlits. Le pain aussi doit être de froment, frais et non corrompu.
L’Instruction générale du Missel romain ajoute que le pain doit être sans levain comme lors de la dernière Pâque de Notre Seigneur, et le vin « naturel et pur, sans additifs », quoique qu’une exception ait été faite pour les sulfates (consultation du Saint-Office en 1922).
Clément d’Alexandrie (mort en 215) expliquait ainsi l’usage sacramentel du vin : « Comme le vin est mêlé à l’eau, ainsi l’Esprit à l’homme. Le mélange de vin et d’eau nourrit la foi ; celui avec l’Esprit conduit à l’immortalité. »
Il n’existe aucun document de l’Eglise faisant autorité sur le gin ou le scotch, la bière blonde ou brune ; ni sur la façon de boire ou la consommation. On ne trouvera pas de recette de cocktail dans le Catéchisme de l’Eglise catholique, ce qui n’empêche pas certains presbytères d’en perpétuer les secrets.
Clément prodigue ses conseils dans un essai intitulé : De la boisson : il déconseille aux jeunes l’intempérance dans les libations, mais réconforte les anciens qui peuvent « réchauffer leurs vieux os de la médecine bienfaisante du vin. Les passions des personnes âgées ne sont pas en général propices aux excès tels qu’ils les conduisent au naufrage et à l’ivrognerie. Leurs mœurs étant bien ancrées par l’effet du temps et de la raison, ils supportent plus aisément la tempête des passions qui sort de l’intempérance. »
La tempérance n’est-elle pas après tout une vertu cardinale aussi longtemps qu’elle ne devient pas un mouvement social. Clément cite Sirach : « Le vin c’est la vie pour l’homme, quand on en boit modérément. Quelle vie mène-t-on privé de vin ? Il a été créé pour la joie des hommes. » (31,27)
G.K. Chesterton remarque que le mot alcool est d’origine arabe, ce qui est d’autant plus curieux que l’islam fait une telle guerre aux boissons alcoolisées. Nous avons l’habitude de faire la différence entre le vin, ou la bière, les liqueurs, le cidre, et l’alcool ou même l’ivresse.
Comparant l’homme et l’animal, Chesterton relève qu’il n’y a rien dans le règne animal qui soit comparable à l’ivresse ni rien qui valorise une boisson, de même qu’il n’y a dans sa pratique sexuelle rien de chevaleresque ou d’obscène. Il y a toujours dans l’homme plus de mal et plus de bien aussi.
Le monde n’est pas joli vu du fond d’un verre à cocktail. Personne n’est plus perdu qu’un alcoolique. L’abus d’alcool est souvent une forme de suicide. Quant à savoir à partir de quel degré l’alcoolisme devient un péché mortel, je laisse cela aux théologiens. Au pays de la prohibition, l’alcool prend des proportions démoniaques.
Quid des prêtres ? Combien d’abus sexuels n’ont-ils pas été dus à l’alcoolisme ? Le concile de Latran en 1215 demandait déjà aux prêtres de se tempérer.
Je concluerai avec Hilaire Belloc, le grand ami de Chesterton : « Là où brille le soleil catholique/ il y a toujours des rires et du bon vin rouge/ C’est en tout cas ce que j’ai toujours vu / Benedicamus Domino ! »
Illustration : Les noces de Cana, icône serbe du XIVe siècle.
Voir également le site de la Fraternité St Médard (pour les chrétiens syndiqués et buveurs de bière) « Ora et Bibe ».
http://fasm.org/