Nos grands hebdomadaires aiment saluer le passage d’une année à l’autre par des numéros spéciaux à thème. Ainsi le Nouvel Observateur a choisi de rappeler à ses lecteurs le souvenir des années 60, tandis que le Point affiche carrément Dieu lui-même en couverture : « Ce que disent les scientifiques et les philosophes de son existence ». J’ai lu évidemment ce dossier avec le plus grand intérêt, mais non sans perplexité. Rien que l’éditorial de Franz-Olivier Giesbert pourrait me retenir longtemps : « Alors que s’agrandit sans cesse le champ de nos connaissances, écrit le directeur du Point, un domaine reste inaccessible à la science, celui de la foi, où nous demeurons libres d’inventer notre propre vérité. » Oh la la cher Franz-Olivier ! Comme tu y vas ! Régler ainsi les relations de la science et de la foi en une formule peut certes relever d’un art où beaucoup de philosophes ses sont montrés habiles, tels Pascal ou Nietzsche. Mais il me semble que tu expédies un peu vite le problème alors qu’il conviendrait de faire prendre conscience de sa complexité abyssale.
Mon avis à moi est tout à fait différent. Non, on ne peut pas dire n’importe quoi à propos de Dieu, qui relève d’une connaissance extrêmement rigoureuse, même si elle appartient à un ordre spécifique, très différent du domaine de la science. On ne peut pas dire n’importe quoi en théologie. Il est vrai que notre temps fourmille en gnoses et en ésotérismes divers, mais ce sont autant de chemins d’errance où l’âme se perd plutôt qu’elle ne se retrouve. Relevons les authentiques chercheurs de Dieu en notre temps. J’en indiquerai aujourd’hui une seule, Edith Stein, Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix. C’est selon ses propres mots une science de la croix qui la met sur le chemin du Dieu auquel elle s’est vouée.
Un petit mot en plus. Le Point cite Nietzsche assez exactement à propos de la prétendue mort de Dieu, en indiquant que dans la tête du penseur il s’agit bien d’un meurtre. Nous l’avons tous tué, affirme-t-il. En fait, c’est un certain Dieu moral qu’il prétend avoir tué. Peut-on tuer Dieu, sauf en nous-mêmes, à ce degré de profondeur où selon saint Augustin, il nous habite ? La post-modernité n’a pas fini d’épuiser cette inépuisable énigme.