Je voudrais revenir sur ce qui s’est passé jeudi dernier, en la fête de l’Immaculée Conception. On se souvient que le cardinal André Vingt-Trois avait invité ce jour là les Parisiens à une veillée à Notre-Dame, pour méditer la Passion du Seigneur. C’est ce même jour, en effet, qu’au théâtre du Rond Point des Champs Élysées était présentée la pièce de Rodrigo Garcia intitulée Golgota picnic. Cette pièce constitue pour les chrétiens une réelle offense à la personne de Jésus. La veillée retransmise sur notre radio fut un moment exceptionnel de ferveur dans une cathédrale absolument comble. A aucun moment le nom de la pièce controversée, pas plus que celui de son auteur n’y furent prononcés. Car il ne s’agissait pas de désigner quiconque comme un adversaire. Il s’agissait de donner à méditer sur le sens de la Passion, en comprenant mieux encore pourquoi, comme l’a dit le cardinal dans sa belle et sobre homélie, « la croix est notre fierté ».
Cette position prise par l’archevêque de Paris nous invite à penser au-delà même de l’évènement. Car elle est très différente de celle choisie par des chrétiens qui se disent traditionalistes et qui n’hésitent pas à ouvrir un véritable front contre la provocation de Rodrigo Garcia. Il n’entendent pas rester à l’intérieur d’un sanctuaire, ils veulent manifester leur désapprobation et leur colère devant le théâtre du Rond Point. Ce sont deux causes, deux camps qui s’affrontent et qui doivent s’affronter parce qu’entre eux il y a une inimitié totale. Bien sûr, cette attitude peut se justifier dès lors que l’offense est directe et s’exprime dans l’injure.
Cependant, il faut faire très attention à ce type d’affrontement, car il peut signifier qu’il est sans remède et sans issue. Un certain nombre de chrétiens ont adopté une autre attitude, en exprimant leur tristesse mais aussi leur volonté de parler avec ceux qu’on ne se résout pas à enfermer dans une détermination unique et définitive. Il ne s’agit ni de compromis ni de transaction. Au contraire ! Il s’agit de se faire comprendre en employant les arguments de la raison sans ignorer ceux que Pascal référait au cœur. Bien sûr, ce choix n’est pas facile. Il exige à la fois fermeté et générosité. La provocation de Golgota picnic est peut-être une occasion providentielle pour nous réveiller et inventer les modes nouveaux du dialogue de la foi et de l’incroyance.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 12 décembre 2011.