Le procès qui s’est ouvert hier à Rodez contre un ancien membre de la communauté des Béatitudes est la conclusion nécessaire, bien que tardive, d’un long processus de perversion qu’il est pénible d’aborder. Mais il le faut, car c’est l’Église qui se trouve en cause, une fois encore pour une affaire de pédophilie. Il est vrai que les faits sont accablants. On se demande comment on a pu laisser agir un personnage d’évidence déséquilibré, pendant tant d’années. Un personnage qui a agressé sexuellement plusieurs dizaines d’enfants. C’est de toute évidence la question de l’autorité dans une communauté religieuse qui est posée. Mais elle oblige à ouvrir un autre dossier également accablant, celui du fondateur de cette communauté, appelé frère Ephraïm. Ce dernier a été destitué de ses responsabilités, à la suite de ses propres abus, d’autant plus condamnables qu’ils ont été commis par quelqu’un qui se prévalait d’une charge spirituelle.
Ce n’est pas en un court éditorial que je pourrais éclairer cette affaire, qui, au demeurant, à déjà été abordée par Élodie Chapelle sur notre antenne. Je rappellerai simplement que l’expérience de cette communauté est liée à une époque très particulière de l’histoire récente, celles des années 60 et 70, et de la crise ouverte dans la société et dans l’Église par l’effritement des structures traditionnelles et le changement des mœurs. L’aventure tentée alors par nombre de groupes, menée par des leaders qu’il convient d’appeler « charismatiques », a séduit beaucoup de monde, parce qu’elle répondait à de vraies attentes, notamment à une soif intérieure. Malheureusement, certains de ces leaders ont présumé de leurs forces et ont défailli gravement. La nouveauté d’un tel cheminement pouvait surprendre la hiérarchie de l’Église, très étrangère à ce genre de mentalité. D’où l’absence de contrôle et l’effacement de l’autorité.
J’ajoute que le mouvement charismatique, au sens propre du terme, ne se résume pas à ces échecs et à ces drames. Il a été aussi à l’origine de belles initiatives et d’un essor apostolique, qui est sensible à Paray-le-Monial et en bien d’autres lieux. La communauté des Béatitudes elle-même ne peut être unilatéralement condamnée. Il s’y est réalisé aussi de belles choses, et il y a encore aujourd’hui plusieurs centaines de communautaires, prêtres, religieux, laïcs qui ont droit à notre confiance. Rome et l’épiscopat français ont fait œuvre de discernement. Des décisions ont été prises qui devraient porter des fruits. En attendant il importe de venir au secours de ceux qui ont été blessés dans leur chair et dans leur cœur.
Pour aller plus loin :
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- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918