POURQUOI NOUS DEVONS NOUS DIRE CHRETIENS - France Catholique
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POURQUOI NOUS DEVONS NOUS DIRE CHRETIENS

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La tentative européenne de se constituer autour d’un outil financier, la monnaie unique, au lieu d’une croyance ou d’une idée, est en train d’imploser. Aux Etats-Unis, les dysfonctionnements politiques et les déviations culturelles occupent l’avant-scène. Les deux rives de l’Atlantique vont à la dérive, titubant d’une réaction de court terme à une autre face aux événements de plus en plus déconcertants. Que se passe-t-il donc ?

Philosophe et ancien président du Sénat italien (ndr : de 2001 à 2006, sous l’étiquette Forza Italia puis Parti Des Libertés de Silvio Berlusconi), Marcello Pera, nous aide à comprendre les lignes de force à travers les complexités dans son livre intitulé : « Pourquoi nous devons nous dire Chrétiens : libéralisme, Europe et éthique », (Ndr : titre de la traduction française qui vient de sortir aux éditions Parole et Silence; la version originale en italien date de 2008). Pera s’affirme non-croyant et son ouvrage en surprendra plus d’un. Encore plus surprenant la lettre -préface signée Benoît XVI qui décrit l’ouvrage comme « revêtant une grande importance à ce moment précis de l’histoire de l’Europe et du monde ».

Benoît XVI avait déjà, avant d’accéder au pontificat, collaboré avec Pera à un précédent ouvrage : « Sans Racines » (ndr : publié en 2004, sous-titré : l’Occident, le relativisme, la Chrétienté et l’Islam. Non traduit en français). Il exprime l’espoir que ce livre conférera « au débat politique sur des questions d’actualité la profondeur sans laquelle nous ne pourrions surmonter les défis de notre époque ».

Pera est par profession un philosophe des sciences. Outre ses devoirs sénatoriaux (ndr : il est resté membre du Sénat), il enseigne à l’Université Pontificale du Latran à Rome. Il commence par une question de vocabulaire en marquant la distinction entre le « libéralisme » dans l’acception américaine contemporaine du terme – gauchiste, étatiste – et l’acception européenne, rigoureusement inverse – liberté du marché, liberté individuelle, hostilité au tout-Etat. Pera est lui-même un libéral au sens européen, qui était aussi celui des Pères Fondateurs américains.
Même souci de la précision littérale avec le terme « séculier ». Dans un premier sens, ce terme était parfaitement compatible avec un enseignement chrétien, il lui était même inhérent dans la mesure où il reconnaissait la distinction entre Dieu et César, le trône et l’autel, la Cité de l’Homme et la Cité de Dieu. A présent, un sécularisme radical voit dans la religion « un obstacle à la coexistence, la science, la technologie, le progrès et le bonheur humain ».

Pera compare les dangers de notre époque à ceux de l’ère nazie :
« Pour le Judaïsme et pour le Christianisme, l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. C’est selon moi la source religieuse des concepts de personne et de dignité humaine, la fondation de la vision libérale selon laquelle l’homme a priorité sur la société et l’Etat, et la base de la doctrine des droits individuels, naturels et fondamentaux. Ce n’est pas par hasard que lorsque l’Europe nazie s’est faite antichrétienne, elle s’est aussi faite antisémite. Le fait que la Chrétienté, et tout particulièrement le catholicisme, s’est fait antisémite à plusieurs reprises au cours des siècles, ne peut occulter le fait que les deux fois sont, ou peuvent être considérées comme des sœurs jumelles au regard des fondations conceptuelles du libéralisme. »
Le livre comprend plusieurs chapitres regroupés autour de trois questions fondamentales: le libéralisme, l’équation séculière et la question du Christianisme ; l’Europe, le Christianisme et la question de l’identité ; le relativisme, le fondamentalisme et la question éthique.

Dans les trois cas, Pera décrit les conséquences désastreuses de l’incapacité à comprendre les fondements judéo-chrétiens des réponses traditionnelles de l’Occident à ces questions.

Aborder ces problèmes par le biais des conséquences pourrait paraître à certains manquer le cœur de la foi. L’auteur en est bien conscient. Ce sont bien les principes judéo-chrétiens, appliqués avec discernement aux situations concrètes, qui guident son jugement. En outre, son projet est dirigé vers un large public, pas seulement celui des croyants, des philosophes ou des théologiens. C’est en quoi le Pape a reconnu le service rendu par cet essai.

Si l’on suivait le mode de raisonnement que propose ce livre, on pourrait imaginer une lente reconquête de la société par les principes chrétiens, le retour à la pratique religieuse, à l’inspiration religieuse dans le champ de la vie publique, qui étaient autrefois au cœur de la culture occidentale.
Pera note que « les gens se tournent désormais vers les « experts » comme ils le faisaient hier vers les diseuses de bonne aventure, la confiance aveugle se muant en crédulité. Consultants, confesseurs, maîtres, guides et apôtres de l’Humanité remplacent parents, prêtres, philosophes. Nous en sommes arrivés au point de déléguer à quelqu’un le soin de décider pour nous-mêmes sur les sujets importants. »

Pera ne nous dit pas comment les sociétés occidentales pourront retrouver leurs sources judéo-chrétiennes. Il sait que l’auteur du prologue a un plan dans le cadre de la nouvelle évangélisation prônée par Jean Paul II et Benoît XVI. Ce ne sont sans doute pas les réponses qu’attendent les marchés et qui occupent les programmes télévisés. Mais c’est le seul plan qui soit enraciné dans notre histoire.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/why-we-should-call-ourselves-christian.html

Photo : Marcello Pera © et un ami…