Vatican II : une vision à long terme - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Vatican II : une vision à long terme

Copier le lien

Les catholiques de ma génération — la génération arrivée sous le pontificat du Pape Jean-Paul II — se trouvent quasi-incapables de se représenter le monde en ce 11 octobre 1962, date d’ouverture du second Concile du Vatican.

Ma génération ne connaît que l’Église post-conciliaire, avec sa pénurie de prêtres, ses fermetures de paroisses et d’écoles, ses confessionaux désertés. La contestation, même atténuée, moins virulente qu’au cours des dernières décennies, est généralement plus répandue et profondément enracinée, en particulier sur les questions sexuelles et familiales.

Les blessures de l’autoflagellation à propos des scandales sexuels suppurent tandis que les adversaires de l’Église jouissent du récit des péchés et crimes de ses prêtres. La liturgie, même sans être le tohu-bohu d’il n’y a guère, ne s’élève que rarement, et, parfois, s’enlise. Mais comment pourrait-il en être autrement, vue la laideur architecturale actuelle de nos églises.
La liste des griefs est scandaleusement longue.

À comparer avec ce que ma génération a souvent entendu (demi-vérités?) de l’Église préconciliaire — pieuse, dévote, dynamique; une liturgie pleine d’encens, en latin — il est facile d’assimiler le Concile à une amorce de déclin, de dissolution, de dégradation.

C’est un peu vrai, en un certain sens. Le Concile s’est tenu bien avant que surviennent les plus violentes éruptions, que s’ouvrent en grondant les failles culturelles et les crevasses spirituelles qui pendant des années ont craché des torrents de fumée et de vapeurs toxiques, alors que rares étaient les sages capables de s’en rendre compte.

On peut être tenté de penser que si les Pères Conciliaires avaient eu une meilleure vision de l’avenir — plus critique sur la modernité, avec moins d’enthousiasme dans leur optimisme — les catastrophes des quarante et quelques dernières années auraient pu être évitées, ou au moins largement atténuées.

Comme il est évident (surtout après-coup) que les hommes sont imparfaits, c’est une lourde erreur de « faire porter au Concile » les misères de l’Église — comme si on aurait mieux fait de s’en passer.

D’abord, on ne peut imaginer l’action d’un Jean-Paul II ou d’un Benoît XVI sans le Concile. Ces deux papes à la barre ont mené la Barque de Saint Pierre en des eaux terriblement traitresses. Et là, le Concile s’est révélé comme une aide inestimable.

De ce point de vue, Vatican II n’a pas été la cause des paroxysmes qui ont suivi au sein de l’Église; il est survenu à temps pour préparer l’Église aux épreuves à venir. Le Concile a fourni les outils et les armes dont l’Église aurait désespérément besoin sur le terrain — culturel radicalement bouleversé, social, spirituel — en train d’apparaître. Le Concile s’est révélé un antidote prophétique contre la confusion qui en est résultée. Mais c’était le début d’un séjour au désert.

Le désert est un lieu terrible, hostile à la vie. Dans l’imagerie biblique, le désert privé de vie forme un contraste saisissant avec le paradis verdoyant de l’Eden. Au cours de l’histoire de la rédemption, le désert se met à représenter bien plus que la mort et l’exil: le désert devient le lieu où les vices révélés dans le Paradis terrestre — orgueil et rébellion — sont désappris. C’est un endroit où le peuple de Dieu réapprend qu’il ne tient sa force que de Lui seul.

Le désert est un lieu de jeûne et de prière, montrant le chemin pavé de tentation et de renoncement, vers le Christ qui, lui-même, jeûna au désert, et dont la Passion donne un sens à nos propres souffrances. Ainsi, le désert est aussi un espace de bénédiction.

On peut de plus en plus considérer les dernières décennies non pas comme un colossal désastre ou une régression de l’Église, mais comme une période bénie: un moment douloureux mais nécessaire de jeûne et de mortification pour préparer l’Église à sa mission dans un monde transformé. C’est précisément à cette mission que l’Esprit Saint, par le truchement du Concile, préparait l’Église. Le Concile était le vaccin injecté à l’Église par l’Esprit Saint contre les méfaits de la modernité actuelle, et il demeure un des meilleurs investissements de l’Église pour une Nouvelle Évangélisation.

À présent bien des catholiques, principalement des jeunes, s’emplissent d’espérance. Leur espérance n’est pas de ce monde, mais l’espérance d’un peuple qui, avec Saint Paul, proclame que « si nous n’avons placé notre espoir en Jésus-Christ que pour ce bas monde, alors, nous sommes les plus pitoyables de tous ».

Contre des forces très supérieures (à l’aune des opinions séculières) l’Église est actuellement en plein épanouissement. Ce n’est pas un résultat obtenu en « surmontant » Vatican II, ni en « dépassant » le Concile, c’est en vérité un des fruits portés par le Concile.

On ne gagnera rien à prétendre que le Concile n’a eu que des effets bénéfiques, et n’a pas laissé des questions à débrouiller. Mais n’oublions pas que le Concile a été l’œuvre non pas tant de l’homme que de l’Esprit Saint. Là résident toutes les meilleures raisons de faire confiance. Comme le Prophète Isaïe l’écrivait:

Voyez, je créerai quelque chose de nouveau, qui jaillit maintenant, ne voyez-vous pas ? Je tracerai un chemin dans la steppe, je ferai couler des rivières dans le désert.

L’Esprit-Saint sait bien ce qu’Il fait, même si nous, nous ne le savons pas.

— –

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/a-long-view-of-vatican-ii.html