Le Père Hamann, qui est en passe de devenir, avec plus de prudence et de sagacité, le Migne du XXe siècle, lance aujourd’hui, sous ce titre d’Ictus (est-ce un jeu de mots voulu entre le trait de flèche latin et le poisson symbolique grec ?), ce qu’on pourrait appeler une pléiade chrétienne 1. C’est-à-dire qu’il se propose de mettre à la portée du grand public, dans de beaux et clairs volumes qu’on ait plaisir à garder et à lire, tous les classiques du christianisme.
On peut lui faire confiance pour se procurer des textes bien établis, et plus encore pour les traduire et les présenter d’une façon qui ne sente le jargon d’aucune école, ni moins encore la sacristie, mais qui pourtant ne détonnerait pas plus à l’église qu’en famille ou à la table de « l’honnête homme » (on veut espérer que ce phénomène n’a pas encore disparu des milieux catholiques, malgré les messes dialoguées en argot et les Bibles paraphrasées en charabias).
Il est déjà l’auteur, entre beaucoup d’autres choses utiles et délectables, d’un volume de Prières des premiers chrétiens qui a eu l’immense succès que méritaient le choix irréprochable des textes et la langue où ils sont présentés. C’est la meilleure des recommandations anticipées pour cette nouvelle œuvre, qui promet d’être de longue haleine.
Ce premier volume nous présente l’ensemble des premiers textes chrétiens qui suivent immédiatement le Nouveau Testament, tous encore composés en milieu sémitique, témoins d’un christianisme encore non seulement tout biblique, mais tout juif d’expression.
C’est le recueil complet de ces précieuses prières, si souvent « johanniques » d’accent : les Odes dites de Salomon ; puis vient la lettre attribuée à Barnabé : le plus ancien texte sur la réaction de la primitive Eglise touchant l’Ancien Testament et sa signification sous le Nouveau ; ensuite, après le symbole de foi « apostolique », la Didachè, catéchèse morale, liturgique et spirituelle la plus ancienne aussi que nous ayons ; et, pour terminer ce premier volume, le Pasteur d’Hermas, étrange et délicieux livre, qui tient de l’apocalypse, du roman pieux et de la confession personnelle, mais où l’atmosphère de la chrétienté primitive est gardée avec une naïveté inépuisablement jeune.
Tout cela est non seulement traduit avec les qualités que j’ai dites, mais annoté très discrètement : juste autant que le profane peut le souhaiter pour profiter de ce qu’on lui livre à la source même. Une illustration s’y joint, qu’on ne pouvait, pour ce premier volume, demander à des monuments aussi anciens que les textes, mais qu’on est toujours allé chercher à des manuscrits ou des mosaïques anciennes qui restent accordés à ce qu’on lit.
On regrettera seulement que certaines des reproductions laissent à désirer (encore est-ce la faute du papier semble-t-il) et que la source exacte de chaque élément iconographique ne nous ait pas toujours été indiquée. Les volumes suivants n’auront qu’à pallier ces légers défauts pour qu’on ait là une bibliothèque des sources vivantes de la tradition catholique qui constituera le complément de la Bible et du Missel, à la fois pour la nourriture de la foi et celle de la piété.
Louis BOUYER