Cette émission a été organisée avec la participation de trois historiens : Eric Roussel, Serge Bernstein et Delpla, et de mémorialistes de la France libre : Crémieux-Bilhac, Stéphane Hessel, Daniel Cordier et Pierre Lefranc. Bien qu’Eric Roussel affirme d’entrée de jeu que cette histoire est compliquée et qu’il y a une autre version de l’appel du 18 juin, il semble ignorer les recherches de l’historien Gilles Ragache « Les appels du 18 juin » (éditions Larousse, 2010, 240 pages).
Les participants à l’émission admettent que le gouvernement britannique est intervenu le 18 juin, demandant à de Gaulle de ne pas porter atteinte au gouvernement français. Mais ils ne citent pas le véritable texte prononcé par le général de Gaulle, respectueux envers le maréchal Pétain :
« Le gouvernement français a demandé à l’ennemi à quelles conditions pouvait cesser le combat. Il a déclaré que si ces conditions étaient contraires à l’honneur, la lutte devait continuer ». Suivait une invitation aux soldats français se trouvant en Grande-Bretagne de se mettre en rapport avec le général de Gaulle.
Ces phrases purement informatives ont été modifiées le 19 juin sous la forme accusatrice suivante, transmise aux médias mais non diffusée par la BBC :
« Les chefs qui depuis de nombreuses années sont à la tête des armées françaises ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat ».
Enfin, au début du mois d’août, une troisième version, encore plus polémique, et s’adressant à la nation entière, a été diffusée par affichage ; elle est devenue la version officielle des manuels scolaires et des manifestations patriotiques, mais n’a jamais été prononcée à la radio :
« La France a perdu une bataille ! Mais la France n’a pas perdu la guerre !
Des gouvernements de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l’honneur, livrant le pays à la servitude. Cependant rien n’est perdu…
…Voilà pourquoi je convie tous les Français, où qu’ils se trouvent, à s’unir à moi dans l’action… ».
La suite de l’émission abordait le projet irréaliste de transfert en Afrique du Nord, le soutien de Churchill accordé le 27 juin, la prise de commandement des troupes françaises de Grande-Bretagne le 28 juin, l’approbation de l’attaque des navires français à Mers el Kebir le 3 juillet, et la constitution d’une base territoriale de la France libre à Brazzaville. L’affaire de Dakar n’a pas été évoquée, non plus que l’ordre de Darlan à la marine, le 16 juin, de poursuivre le combat.
Il serait souhaitable que la chaîne LCP rétablisse cette véritable histoire
Pour aller plus loin :
- Gilles Ragache. La fin de la campagne de France. Les combats oubliés des Armées du Centre, 15 juin - 25 juin 1940. Economica, 2010, 293 pages.
- De Gaulle, les Services secrets et l’Algérie
- Michel Tauriac, "Vivre avec De Gaulle", Plon, 609 pages, 24 euros.
- Les massacres de tirailleurs sénégalais en 1940
- Les martyrs oubliés du Tibet, chronique d'une rencontre manquée (1855-1940)