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Les sondages exercent une telle fascination qu’une épidémie de tentatives en vue de mesurer l’opinion publique sur un large éventail de sujets s’est répandue, comme si un sondage pouvait révéler un aspect important de la société.
Citant des sondages, les hommes politiques déclareront, par exemple, que « les Américains » sont plus favorables à une réduction des dépenses publiques qu’à une augmentation des impôts, ou, au contraire, à une augmentation des impôts, surtout sur les riches, qu’à une réduction des dépenses publiques. Les hommes politiques n’hésitent pas à acheter des sondages pour, pensent-ils, connaître l’opinion de leurs électeurs sur telle question, et donc découvrir leurs intentions de vote.
Il ne semble pas exister un seul sujet que les instituts de sondage rejetteraient comme indigne de leurs enquêtes. C’est bien connu, la formulation des questions et la catégorie de personnes interrogées permettent d’obtenir des résultats compatibles avec telle ou telle tendance politique ou sociale.
Après la publication par le Pape Paul VI de l’Encyclique Humanae Vitae (1968), certains commentateurs catholiques, citant des sondages, remarquèrent que les catholiques n’assistant plus à la messe dominicale se disaient hostiles à la condamnation de la contraception par l’Église. Ce qui amena des sondeurs à établir une corrélation fautive: « le rejet par l’Église de la contraception a entraîné chez les catholiques un déclin de leur pratique religieuse ».
Il se peut fort bien que de nombreux catholiques non pratiquants rejettent certains aspects de l’enseignement moral de l’Église, mais il ne faut pas en déduire que cet enseignement incite les catholiques à ne plus aller à la messe. Il ne faut pas confondre corrélation et lien causal. Et il ne faudrait pas penser qu’une étude sociologique de telles corrélations pourrait servir de base aux jugements de théologie morale. Selon la fameuse remarque du Frère Andrew Greeley, sociologue et romancier, la méthode pour ramener les catholiques à la pratique religieuse serait de changer l’enseignement de l’Église sur le contrôle des naissances.
Ni la théologie morale, ni le dogme de l’Église, ne devraient cependant reposer sur des revendications sociologiques. Si on constatait que beaucoup de catholiques non pratiquants rejettent l’enseignement de l’Église sur la divinité du Christ, faudrait-il modifier cet enseignement de l’Église afin d’accroître le nombre de pratiquants ?
De même, la politique, dont le but est la recherche du bien commun, doit faire appel à un sain jugement des politiciens. Dans un régime démocratique l’opinion de l’électorat est exprimée par des élections régulières, et les votes sont en définitive l’expression des seuls sondages valables. Suivre au jour le jour l’évolution de l’opinion publique pour en faire la base des décisions politiques est destructeur du bien public.
Il faut parfois consulter un sondage pour voir la stupidité de la « sondageo-manie ». Fin juillet, Public Policy Polling (PPP, Sondages de Politique Publique) publia une enquête menée sur 928 électeurs américains. Parmi les questions, « que penser des performances des élus Démocrates et Républicains au Congrès ? ». Il y avait même une question sur le scandale des écoutes téléphoniques du Groupe de presse de Rupert Murdoch.
Mais quatre questions (sur douze) concernaient Dieu. Voici la synthèse pupbliée par PPP :
Bien que n’étant pas le plus populaire objet de sondages PPP, si Dieu existe, les électeurs sont disposés à lui attribuer de bonnes notes. [NDT: le pronom « lui » est ici la traduction du pronom NEUTRE « it » employé par les auteurs du sondage]. Les électeurs approuvent l’action de Dieu à 52%, 9% sont contre . . .
Interrogés sur des sujets dont il [NDT: même remarque, « il » traduit le pronom neutre « it »] est responsable, les électeurs ont attribué la meilleure note pour le création de l’univers, pour: 71% contre: 5%. Ils approuvent également la conduite du monde animal, pour: 56% contre: 11%, et même le traitement des catastrophes naturelles, pour: 50% contre: 13%.
Au sujet des catastrophes naturelles, les jeunes électeurs (18 à 29 ans) pour: 59% lmais, contre: 26%. À comparer avec l’électorat de plus de 65 ans, pour, 47%, contre: 12%.
Chacune des questions sur Dieu avait la même rédaction que la première: « si Dieu existe, approuvez-vous ou réprouvez-vous son [« son », traduction du possessif « its »] action? » Bien que 52% aient répondu positivement et seulement 9% négativement, 40% [NDT: moi, j’aurais écrit 39%] ne se sont pas prononcés. Je pense qu’il faut se réjouir des 71% approuvant l’action créatrice initiale de Dieu.
Mais qui donc a inventé cette ineptie ? Bien sûr, on relèvera l’étrangeté du pronom neutre « it » pour désigner Dieu. Si l’usage traditionnel du pronom masculin avec initiale majuscule (« Il », « Lui », . . .) dérange, il suffit d’employer le nom « Dieu » au lieu de le remplacer par un pronom.
De plus on ne voit pas bien ce que signifie l’évaluation des actes d’un être hypothétique: « si Dieu existe . . . » Naturellement, il n’y avait pas de précisions sur le sens que les sondés donnaient au mot « Dieu » — ni, en l’occurrence dans la tête des auteurs du sondage.
L’inculture théologique révélée par les questions du sondage est due à l’erreur consistant à considérer Dieu comme un simple agent dans l’univers, dont les actes sont soumis à notre approbation ou à notre réprobation. Dieu n’est pas un agent super-moral simplement plus puissant que les créatures. Si Dieu existe — pour reprendre la phraséologie du sondage — que peut signifier le jugement des créatures sur les actes de Dieu ?
Tout, sur toutes les créatures, y-compris l’aptitude à juger, résulte de l’acte du Créateur. Dieu s’adressant à Job pour répondre à ses nombreuses questions, commence par lui demander: « où étais-tu quand je créais l’univers. Qui es-tu pour approuver ou réprouver ton Dieu? » Ne devons-nous pas reconnaître que seul Dieu approuve ou réprouve nos actes ?
D’une certaine façon, il est insensé de prendre au sérieux un sondage sur l’approbation ou la réprobation des actes de Dieu. Même si le sondage est conçu comme une espèce de plaisanterie, il tombe à plat car les concepts et présupposés employés n’ont aucune substance. Malheureusement c’est juste un nouvel exemple de la pauvreté de pensée actuelle en matière de philosophie et de théologie.
William E. Carroll
http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/evaluating-god.html
Pour aller plus loin :
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