LE PIEGE DU DIXIEME AMENDEMENT - France Catholique
Edit Template
Le martyre des carmélites
Edit Template

LE PIEGE DU DIXIEME AMENDEMENT

Il était une fois un homme qui aimait une partie du catholicisme plus que le catholicisme en soi. Il s’en alla au désert avec sa partie et en fit une idole (G.K.Chesterton).
Copier le lien

Dans un précédent article, il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion de commenter les propos de Michelle Bachmann, cette femme séduisante (ndt : candidate conservatrice du « Tea Party » à l’investiture du Parti républicain pour la présidence) qui, interrogée sur la question du mariage homosexuel dans l’Etat de New York, ne répondit pas sur le fond, la question morale essentielle, mais sur le point formel du dixième amendement. Certains de nos amis font de la Constitution une idole en la détachant de la Fédération qu’elle est censée promouvoir, puis se font du dixième amendement une sous-idole en le détachant du corps de la Constitution.

Le dixième amendement de la Constitution des Etats-Unis stipule une vérité plutôt élémentaire : tous les pouvoirs non conférés au gouvernement fédéral et non interdits aux Etats fédérés, sont réservés aux Etats ou au peuple. Mais cet amendement n’a jamais fourni d’orientation quant à ce qui regarde la communauté nationale et ce qui relève de la juridiction des Etats. Il ne précise pas plus en quoi consiste le domaine qui est du ressort privé non susceptible de législation ou de l’intervention des pouvoirs publics.

Cependant, certains de nos amis continuent de considérer cet amendement comme la clé des questions les plus importantes auxquelles nous sommes confrontés.

Ce fut à nouveau le cas de la part d’un autre candidat potentiel à la présidence, le très estimable gouverneur du Texas, Rick Perry. Pour celui-ci, l’amendement devrait lui épargner d’avoir à s’occuper sérieusement du problème de l’avortement en tant que président des Etats-Unis.

En effet, selon lui, s’il y avait un retournement de la jurisprudence Roe contre Wade (1973), la législation sur l’avortement relèverait à nouveau du domaine des Etats et devrait y être limitée. « Ou vous croyez au dixième amendement, dit-il, ou vous n’y croyez pas. »

Perry a bien entendu parfaitement raison de penser que, s’il y avait un retournement de la jurisprudence Roe contre Wade, les Etats recouvreraient leur compétence et pourraient imposer des restrictions à l’avortement allant en pratique jusqu’à sa quasi interdiction. Mais pourquoi Perry rejette-t-il toute faculté d’intervention du gouvernement fédéral ? Le problème, après tout, est venu du niveau fédéral, de l’intervention des tribunaux fédéraux annulant les lois des Etats sur l’avortement, faisant de celui-ci une question fédérale ou nationale.

La correction doit donc venir, au moins en partie, du centre. Sur quelques points capitaux, elle doit être conduite par la Cour Suprême. Même sans renverser Roe contre Wade, la Cour, avec les juges John Roberts et Samuel Alito, semble travailler à son démantèlement en validant des restrictions apportées par les législations des Etats.

En dehors de la Cour, Perry et consorts n’oublient-ils pas les autres terrains sur lesquels le gouvernement fédéral est amené à prendre chaque jour des décisions relatives à l’avortement ? Par exemple, les hôpitaux militaires, ou les bases américaines à l’étranger, peuvent-ils pratiquer des avortements ? Ou l’utilisation dans les Instituts nationaux de santé de tissus fœtaux issus de certains avortements.

Et quid du district fédéral de Columbia où le gouvernement national est seul compétent ? Le Congrès, agissant en tant qu’assemblée législative de Washington D.C., doit connaître de toutes décisions du gouvernement local autorisant ou restreignant l’avortement, ou relatives à l’administration des hôpitaux et de leur personnel.

Au-delà, le Congrès n’a pas encore donné la pleine mesure de ses pouvoirs législatifs : le gouvernement fédéral a en effet vu ses pouvoirs considérablement étendus au cours des cinquante dernières années par le biais des subventions fédérales. Un Congrès à majorité pro-vie et déterminé à agir pourrait brandir la menace de suppression de subvention fédérale aux hôpitaux et cliniques qui pratiquent, par exemple, des « avortements vivants », procédure en vertu de laquelle un enfant accouché vivant est jeté dans les décharges de l’hôpital.

Une loi interdit cette pratique mais elle n’est pas assortie de sanctions. L’administration Bush a rencontré beaucoup de difficultés en essayant de faire appliquer la loi. Même dépourvue de sanctions, la loi existe. C’est une loi des Etats-Unis. Tout hôpital et toute clinique qui continue de pratiquer ce type d’avortement agit contrairement à la politique officielle des Etats-Unis.
Ces établissements pourraient perdre leurs exemptions fiscales. Aucun hôpital ou aucune clinique ne serait à même de fonctionner sans subventions fédérales et exemptions fiscales. Tout ceci serait de la responsabilité d’un prochain président ou Congrès pro-vie. A elles seules ces mesures apporteraient un coup d’arrêt à l’avortement.

Cette fixation sur le dixième amendement empêche Bachmann et Perry d’avoir une vision constitutionnelle d’ensemble. Elle leur dissimule le reste du tableau où le gouvernement national est investi de responsabilités qu’il ne peut éluder – et fait face à des questions auxquelles la classe politique préférerait ne pas avoir à répondre.


Source :

http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/rick-perry-and-the-snare-of-that-tenth-amendment.html