Ceux qui prêtent attention aux questions politiques et religieuses connaissent à peu près tous le célèbre sermon prononcé, peu avant son élection au pontificat, par Joseph Ratzinger, dénonçant « la dictature du relativisme ». Le futur Benoît XVI établissait très justement le lien entre, d’une part, les prétendues tolérance et ouverture affichées par beaucoup d’opposants à la foi et à la morale anciennes et, d’autre part, les moyens arbitraires d’autorité dont ils usent aujourd’hui pour imposer leurs vues à tout un chacun.
Tout à fait vrai et profond. Toutefois il devient évident que ce qui menace la foi et le mode de vie traditionnels n’est pas exactement le relativisme. Ni l’ouverture, ni la tolérance. Nous en sommes loin. C’est un ensemble de croyances et d’enseignements alternatifs. Dire que cette nouvelle foi est simplement l’équité ou la neutralité ne tient pas un seul instant.
Prenez par exemple le mariage homosexuel dans l’Etat de New York. Le terrain a été préparé, ainsi que pour toute une série de changements politiques, par la prétention que la sexualité est pour nous tous flexible et « socialement construite.» C’est, si vous voulez, une forme de relativisme.
Sauf que, dans le cas des hommes et femmes homosexuelles, on vous explique qu’ils ou elles « sont né (e ) s ainsi » ou sont le produit d’un « gène homosexuel.» En ce sens, si vous avez des sentiments homo-érotiques, c’est la nature – et peut-être Dieu – qui vous a orientés ainsi. C’est ce que vous êtes (souligné). Les homosexuels qui en souffrent et qui voudraient changer leur orientation sont considérés comme ayant « intériorisé l’homophobie. »
C’est le genre d’affirmation naturelle ou biologique que l’on nous avait appris à rejeter comme primaire ou simpliste – sinon un tantinet fasciste – quand il s’agissait de justifier une norme hétérosexuelle, ou des notions comme le mariage, la famille, et deux parents de sexe opposé comme idéales pour les enfants. En ce domaine pas de recours à la biologie ni aux faits bruts.
Cette incohérence révèle que nous ne sommes plus dans le domaine de la vérité scientifique ou rationnelle mais de l’idéologie, et en fait d’une foi alternative. Même si l’existence d’un gène homosexuel ne repose sur aucune certitude scientifique et si les dommages causés aux enfants et aux adultes par notre traitement cavalier du mariage sont amplement démontrés, prétendre autrement serait considéré par une partie de notre population comme relevant d’une foi aveugle et de la croisade moralisatrice.
Nos radicaux condamnent les croisades moralisatrices là où les chrétiens et d’autres ne font que répéter l’expérience et la sagesse accumulées par chaque société humaine à chaque époque, et non quelque expérimentation de tolérance sociale sans fondement. Les radicaux prétendent que la société doit être ouverte et neutre, et non dominée par des règles morales qui font problème.
Or les passions morales ne disparaissent pas parce que l’on change d’objet. Ainsi, si vous croyez que le mariage homosexuel est un droit fondamental de l’Homme – comme on le voit aux Etats-Unis et dans certaines enceintes internationales -, vous considérez que celui qui pense différemment est moralement incompatible et constitue une menace à la vie en société entre gens décents, même avant qu’il ne se soit passé quoi que ce soit. Chrétiens, juifs, musulmans, bouddhistes, etc., fidèles à leurs traditions, sont accusés de promouvoir la « haine ». Bien que les radicaux soient suffisamment prudents pour ne pas le dire aussi ouvertement – et s’éviter des problèmes politiques -, ils ont pratiquement qualifié la morale religieuse traditionnelle de bigoterie.
Nous en arrivons à cette situation absurde où la grande majorité de la race humaine est considérée par une petite tranche de la population dans les pays riches comme moralement égarée. Pendant ce temps, l’histoire du vingtième siècle fut marquée par une série de théories sociales hasardeuses, qui paraissaient à l’époque humaines et scientifiques, et qui s’étaient en quelque sorte emparées du pouvoir en causant un maximum de victimes.
La révolution sexuelle a déjà produit une crise d’illégitimité – et un tsunami de problèmes quant à la gestion pratique de la relation interpersonnelle – qui semblait impossible avant notre époque. Comme d’habitude, les pauvres et les marginaux ont été les premiers à en souffrir. Ainsi, si le racisme a nettement décru dans les cinquante dernières années, le taux de naissances illégitimes est d’environ 80% parmi les Afro-Américains, soit cinq fois le taux de 1960.
Il n’y a pas de mystère : la révolution sexuelle et les programmes gouvernementaux qui se sont substitués aux pères ont produit des accroissements analogues pour toutes les races, quoique dans une mesure différente, entraînant toutes sortes de pathologies et de déstabilisation psychologique.
Dans le même temps, une montagne d’études en recherche sociale révélaient les énormes avantages en matière de santé et de bonheur de la vie dans une famille stable et pratiquante régulière.
C’est alors que l’autre camp se met à dire : vous, les hétéros, vous avez déjà commis suffisamment de dommages au mariage. Quel mal supplémentaire pourrait causer le petit pourcentage d’homosexuels souhaitant se marier – quelques-uns au sein d’un à deux pour cent de la population – ?
La réponse est simple. Les ruptures familiales sont un fait avéré mais qui ne remet toutefois pas en cause le rôle crucial de la famille. La légalisation du mariage homosexuel efface au contraire la plus importante forme d’union antérieure à l’ordre politique – l’ensemble complexe qui de la reproduction et l’affection jusqu’à l’éducation et la formation des générations nouvelles, a été reconnu comme unique et indispensable à toute société, et en mettant ceci sur un pied d’égalité avec ce que deux, ou plus, individus prétendent être le mariage.
Le président Carter dans les années 70 avait essayé de convoquer des « Etats Généraux de la Famille » à la Maison Blanche ; les radicaux le forcèrent déjà à l’époque à renommer la réunion « des familles » en considération des différents types de familles. On aurait pu l’admettre si la question avait été proprement posée, mais la définition de la famille qui fut adoptée lors de ces réunions pouvait s’appliquer, selon un humoriste, autant à une famille traditionnelle qu’à deux ivrognes partageant un conteneur hors-service ?
Attendez de voir notre premier César de la famille. Vous n’en croirez pas vos yeux. Pas au nom du relativisme mais d’une autre foi tout aussi militante.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/beyond-the-dictatorship-of-relativism.html