SuperKatie
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Au mieux, les journalistes sont supposés brandir le vérité devant le pouvoir. Malheureusement, trop d’entre eux font céder la vérité devant le pouvoir. Et voici l’une des vérités fondamentales de notre époque: les plus vulnérables de notre société, et donc, ceux que nous, catholiques, devrions défendre le plus énergiquement, sont les handicapés. Ils sont agressés à chaque étape de leur vie: du sein de leur mère jusqu’à l’âge adulte, incapables de se défendre.
Ce fut pour moi une éblouissante évidence quand ma sœur, qui vit en Grande Bretagne, mit au monde son second enfant. Katie est née prématurée de plusieurs semaines et a passé un bon bout de temps à l’hôpital. Arrivant à la maison, elle était accompagnée d’une équipe soignante, et la maison a été équipée pour lui donner l’oxygène nécessaire. Toute petite, Katie a eu deux attaques, et elle est maintenant considérée comme autiste. Tout cela, ajoutons-le, après la suggestion d’un avortement ; ma sœur fit alors ce que n’importe qui moralement élégant aurait fait : elle a changé de médecin traitant.
Autant nous nous félicitons de notre attitude libérale envers les humains différents, autant nous pratiquons la discrimination envers les Katies de par le monde. Seigneur ! , ses parents l’ont constaté depuis des années. Ils ont même dû changer de paroisse, leur fille n’était pas acceptée. « Bien sûr, vous êtes bienvenus ici, mais certains membres de la congrération sont dérangés par les bruits que fait votre fille. Naturellement, ce n’est pas mon avis personnel, pas du tout…»
Ne vous mettez pas sur notre chemin, ne parlez pas trop fort, et ne nous dérangez pas trop, nous les gens heureux. Vous pouvez entrer, il y a un plan incliné à la porte, mais, une fois entré, tenez-vous tranquille et taisez-vous. On colle une amende à ceux qui se garent sur un emplacement réservé aux handicapés, mais on ne bronche pas quand ils parlent aux handicapés comme à des animaux sous-développés.
Un ami dont la fille adolescente est autiste me disait : « C’est comme vivre chaque jour avec la vérité dans la maison ». Quelle belle expression, merveilleuse, éblouissante ! Il m’a raconté que quand sa fille était petite sa femme subissait les regards agressifs, chargés d’opprobre, des passants. Leurs regards silencieux disaient bien fort : « Pourquoi garder un enfant comme ça, pourquoi avoir un tel enfant ? Avortement, vous ne connaissez pas ? »
Les parents de Katie ont vécu la même épreuve. Pourtant, Katie n’est pas consciente de cette haine. Elle préfère des occupations telles que des puzzles. Et Katie réussit ses puzzles à la manière de « Supergirl ». Elle les commence non pas par les bords mais par le centre. Les formes complexes qui nous surprennent tant s’arrangent dans sa jolie tête. Les belles images prennent forme et lui parlent. Lui parlent comme elle, Katie ne peut parler. Là, Katie n’est pas « comme » Supergirl, elle « est » Supergirl.
Son vocabulaire est restreint, bien que ses parents aient ajouté l’orthophonie à leurs nombreux autres rôles. Mais les mots ne sont pas toujours si importants. Je me souviens de mon arrivée en Angleterre pour des vacances, Katie se précipitant vers moi, saisissant ma main et me menant à une chaise. Ses parents lui avaient dit que je serais fatigué par le vol. Elle commença à me parler comme si nous venions juste de nous quitter. La conversation n’avait jamais cessé, le lien d’affection n’avait jamais été rompu.
À dire vrai, elle ne vous regarde pas toujours dans les yeux, son attention a l’air de vagabonder, elle semble distraite. Pas du tout, évidemment, comme ces gens qui vous fixent avec attention et semblent boire chacune de vos paroles. Et s’empressent d’oublier jusqu’à votre nom, se moquant éperdument de tout ce qui vous concerne.
Je m’assieds et papote avec ma sœur. Ça a été difficile? « Oui, mais aussi, joyeux, au-delà de tout. Une nouvelle aventure chaque jour, un nouveau chemin de découvertes — une pause — je ne changerais rien, pour rien au monde. Katie nous a tous faits grandir, nous a enseigné sur nous ce que nous-mêmes ignorions, sur ce que signifie « être humain ». Oui, il nous arrive de pleurer, mais aussi de rire. En fait, être la maman de Katie, c’est comme dire oui à tout. Oui à la vie, oui à l’amour. Oui. »
À cet instant Katie vient en trottinant se glisser dans notre conversation, dans notre monde. Elle a envie de regarder une vieille vidéo, Le livre de la Jungle. Elle l’a vue des centaines de fois, mais ça ne fait rien. Ça lui plaît, et elle en apprend quelque chose. Katie n’a pas besoin de jouets coûteux dernier cri, ni de mode luxueuse. Elle est tellement au-dessus de ça. Peut-être bien plus haut que nous.
Je crois de plus en plus que les handicapés sont pour nous un don de Dieu, un catalyseur qui produit et provoque l’amour dans des cœurs parfois froids et durs. Je sais que Katie est un tel cadeau, et je sais qu’elle peut nous apprendre beaucoup. Envole-toi, Supergirl, envole-toi, Katie, et ne t’occupe pas de ceux qui voudraient te brider les ailes.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/lessons-from-the-most-vulnerable.html