Toute nation constituée célèbre sa fête nationale. Il y a quelques jours, nos amis américains honoraient leur Jour de l’Indépendance qui rappelle l’émancipation des État-Unis de la tutelle britannique. Cette référence à l’Histoire tient à la nature de communauté historique d’un peuple rassemblé. Sans mémoire d’un passé commun et sans référence à un récit qui énonce la genèse de la construction nationale, il n’y a tout simplement pas de nation. Certes, le passé n’enferme pas dans une identité inerte, il ne détermine pas inconditionnellement un présent et un avenir, qui continuent à s’écrire dans une aventure toujours imprévisible. Mais la référence à une appartenance commune, forgée à travers les siècles, permet la projection dans d’autres perspectives.
Le 14 juillet français porte explicitement sa référence qui renvoie à la Révolution de 1789. Mais lorsque cette date fut fixée, sous la IIIe République, ce n’est pas la prise de la Bastille qui fut choisie. On comprend pourquoi. En dépit de l’image d’Épinal qui évoque l’insurrection populaire contre la tyrannie, l’événement réel est plutôt sinistre. Le symbole d’une prison quasiment vide cède à la vérité d’un massacre sordide. La fête de la Fédération du 14 juillet 1790 fut donc préférée au 14 juillet de l’année précédente, en raison de sa portée réconciliatrice. Et même
s’il y a à redire à certains aspects de cette manifestation, ternie par la personnalité d’un Talleyrand célébrant hautement contestable de la messe du Champs-de-Mars, on retient la nation rassemblée autour d’un roi qui incarnait alors l’héritage et l’adoption de réformes substantielles.
Revenir à la Fédération c’était oublier les années de Terreur et de guerres révolutionnaires, c’était faire le choix de la fraternité en refusant aussi que l’Histoire ne fût définitivement déchirée par des choix opposés. En ce sens-là notre fête nationale demeure le gage de l’unité, de la solidarité, pour affronter en commun les épreuves d’aujourd’hui.
