Un nouveau Vincent ? - France Catholique
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La justice de Dieu
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Un nouveau Vincent ?

Nicolas Sarkozy a reçu une double demande d’une femme qui vient de mourir à l’hôpital de Rouen : qu’on trouve un lieu d’hébergement pour son fils Eddy, accidenté, et qu’on ouvre un débat sur l’euthanasie.
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C’est l’auteur du livre signé de Vincent Humbert, le journaliste Frédéric Veille, qui a révélé l’affaire sur RTL : avant sa mort d’un cancer, à 57 ans, Michèle de Somer a voulu s’assurer que son fils Eddy trouverait une place dans un établissement adapté. Elle a écrit en ce sens une lettre au Président de la République. Eddy a 33 ans. Il souffre depuis 10 ans des lourdes séquelles d’un accident de deux-roues. On le présente comme un autre Vincent Humbert. Paralysé comme Vincent, Eddy a été soigné à Berck-sur-Mer avant de rentrer chez lui le 16 janvier 2003.
L’appel maternel posthume est poignant : « Monsieur le Président, je vous en supplie, prenez soin d’Eddy comme si c’était votre fils ». L’Élysée a aussitôt demandé à un préfet de se saisir du dossier. Mais l’avocat de la défunte ajoute qu’elle a aussi réclamé qu’on relance le débat sur l’euthanasie, et cette revendication est relayée par ses deux autres enfants. « Refuser l’euthanasie à mon frère, c’est inhumain » a déclaré Lara, 26 ans, toujours sur RTL qui entend visiblement alimenter un feuilleton.
Ce geste fatal de Marie Humbert, Michèle ne l’a pas commis. Mais le cas d’Eddy a été médiatisé en 2003. À l’époque Madame de Somer soutenait Madame Humbert en déclarant : « Je n’ai pas eu le courage de Marie. Ni même celui de l’évoquer devant Eddy. »

La situation du jeune homme est donc à nouveau exploitée. Et c’est encore Madame Humbert qui monte au créneau.

Ses déclarations sur RTL le 5 juillet 2011 sont terrifiantes.
Première assertion à propos de Michèle : « Je crois que son ultime désir était de pouvoir partir avec son fils. Malheureusement, personne ne l’a écoutée. » Confusion mortelle. Les destins des membres d’une même famille devraient-ils être liés, à partir du moment où un survivant serait gravement handicapé ? Il faudrait alors cautionner les drames familiaux où l’on entraîne ses proches dans la mort. Les enfants lourdement dépendants auraient le statut de ces pauvres veuves qu’on brûlait, en Inde, aux funérailles de leur mari.

Seconde affirmation de Marie Humbert : « Il faut absolument que les choses changent pour qu’on puisse laisser partir les enfants qui le désirent, ou même s’ils ne le désirent pas. » Par quelle toute-puissance une mère aurait-elle le droit de faire mourir son enfant, et même à son insu ? Sur le plan psy­­chique, le prosélytisme ain­si dévoilé est typique du syndrome d’autojustification : sans limite. Celui qui ne reconnaît pas la nature de sa faute s’en fait le promoteur à vie. Madame Humbert identifie chaque jeune gravement dépendant à son fils au point de s’ériger en porte-parole de « tous les titi du monde ». Incontestée, elle se fait pratiquement dévorante, jusqu’à s’inventer des souvenirs avec Michèle de Somer, alors que cette dernière disait seulement, en 2003, à propos de Vincent : « nous nous sommes nous sommes sûrement croisées avec sa mère ».

Enfin, troisième affirmation : « Il faut les envoyer abso­lument au ciel. » Le ciel a bon dos ! Imaginons la généralisation du « meurtre altruiste », qui décime régulièrement des familles déséquilibrées par une épreuve. Par devoir et générosité, il faudrait envoyer ad patres les personnes gravement handicapées, comme si leur vie n’avait aucun prix ici-bas. Argument avancé par Marie Humbert aujourd’hui : « arrêter de les mettre dans des déchéances jusqu’à ce que l’on soit obligé de leur couper les tendons pour pouvoir les habiller ». Cette façon de présenter le travail des soignants et des chirurgiens, qui œuvrent auprès des personnes gravement dépendantes qu’elle assimile toujours à des « légumes », est particulièrement caricaturale.

La situation dramatique qu’a connue Michèle de Somer, qui se dévouait pour son grand fils accidenté avant de se découvrir gravement malade, risque de nous faire perdre toute raison. La tentation d’en finir avec les personnes très dépendantes est compréhensible. Et c’est justement pour protéger du passage à l’acte les familles éprouvées que l’interdit du meurtre est si précieux.

Heureusement, on apprenait que le préfet de l’Eure avait vite trouvé pour Eddy un lieu de vie adapté. Double soulagement : d’abord pour cet homme qui mérite d’être soigné avec attention, ensuite pour ce sujet de société. Et l’on se prend à penser que Michèle de Somer, femme certainement très courageuse, a eu une belle idée d’en appeler au Président de la République, au moins sur un point.