Américain… Catholique… Patriote. Le jeune homme, costaud, latino, militaire de réserve, membre du chapitre des Chevaliers de Columbus de notre Université, avait écrit ces trois mots au tableau. « Nous voulons faire comprendre ces termes à nos nouveaux membres », expliqua-t-il. « Comment faut-il s’y prendre ? »
Je voulais lui recommander la lecture de « la Cité de Dieu » de St. Augustin – juste pour les besoins de la cause, mais en termes universitaires, c’était une façon de répondre : « Laisse-moi tranquille, mon garçon, tu m’ennuies. » Soudain j’eus une idée : Le Pape Jean Paul II. Dans le merveilleux petit livre Don et mystère où il décrit l’itinéraire de sa vocation, le Pape parle de son éducation en tant que « Chrétien » et « patriote.» Il est frappant de voir à un moment où tant de nos contemporains ont une piètre opinion du mot « patriote », le Pape utiliser si fréquemment et si librement ce terme. Par exemple, dans un passage particulièrement émouvant, où il raconte sa première messe comme prêtre :
« J’ai célébré ma première messe le jour de Toussaint…dans la crypte de St Léonard…dans la cathédrale de Wawel à Cracovie… J’avais choisi cet endroit…afin d’exprimer les liens spirituels qui m’unissaient à ceux qui étaient enterrés dans cette Cathédrale… Plus qu’aucune autre église polonaise, la Cathédrale de Wawel est pleine de sens historique et théologique…Tous ceux qui visitent la Cathédrale sont immergés dans l’histoire nationale. C’est pourquoi je tenais à y célébrer ma première messe : je voulais exprimer mon lien spirituel spécial avec l’histoire de la Pologne, une histoire symbolisée par la colline de Wawel. »
Le Pape Jean Paul II poursuit en décrivant le sens théologique de cet endroit particulier, où sont enterrées tant de personnalités de l’histoire polonaise : il représente, dit-il, une vivante expression de la Communion des Saints.
« Tous ceux dont les restes mortels reposent dans les tombes de la Cathédrale de Wawel attendent la résurrection. La Cathédrale entière semble ainsi faire écho au Symbole des Apôtres : « Je crois dans la résurrection des morts et la vie éternelle. » Cette vérité de la foi jette également une lumière sur l’histoire nationale. Ces gens sont de « grands esprits » qui ont conduit la nation à travers le temps. On y trouve non seulement des souverains et leurs conjoints, ou des évêques et des cardinaux, mais aussi des poètes, maîtres de la langue, qui eurent une grande influence sur mon éducation en tant que Chrétien et patriote » (C’est moi qui mets en italiques).
Il convient de noter que, bien entendu, le patriotisme polonais de Karol Wojtyla n’a aucunement empêché son amour de ce qu’on appelle parfois « l’église globale ». Dans le même ouvrage, Don et Mystère, Jean Paul raconte son premier voyage à Rome en 1946 comme étudiant en doctorat et le conseil que lui avait donné l’un de ses directeurs de conscience, le P. Karol Kozlowski, « apprendre Rome. » « Pour ceux qui ont la chance d’étudier dans la capitale de la Chrétienté, lui avait dit son directeur, il est important d’apprendre Rome plutôt que simplement l’étudier. » (Ce n’est pas le premier étudiant à Rome à l’avoir compris : on se demande même comment des étudiants peuvent apprendre autre chose à Rome).
Wojtyla releva le défi avec passion. Le jeune prêtre polonais résidait au séminaire du Collège belge et rencontra des prêtres venus du monde entier. Il s’arrêtait souvent à l’église jésuite de St. André du Quirinal pour se recueillir sur les reliques du grand saint polonais, Stanislas Kostka, où il se souvient avoir vu parmi les visiteurs de la tombe de ce saint authentiquement polonais, « de nombreux séminaristes du Germanicum (le séminaire germanique), aisément reconnaissables à leur soutane rouge. » Un jeune prêtre polonais ; le Collège belge ; des séminaristes allemands visitant les reliques d’un saint polonais ; souvenez-vous, c’était en 1946 ! Les décombres de la seconde guerre mondiale jonchaient encore les rues. Et ici, à Rome, Wojtyla avait un avant-goût d’un monde meilleur. Ici, « au cœur de la Chrétienté, à la lumière des saints, écrit le Pape Jean Paul, les gens de différentes nations se rassemblent, préfigurant, au-delà de la tragédie de la guerre…un monde non divisé. »
On aurait pardonné à un tel homme – si distinctement polonais – sa méfiance à l’encontre de toute expression publique d’ « identité nationale » ou de « patriotisme », notamment de la part des Allemands. Il n’en avait pas. Leur identité nationale, tout comme la sienne, n’avait pas à rester cachée, mais au contraire être chérie – en partie corrigée, mais finalement « assumée et préservée » au sein de l’unité catholique.
Aussi quand mon jeune ami me demandait comment aider ses camarades étudiants à comprendre ce que signifiait être Américain, Catholique et patriote, je lui recommandais de lire avec eux le tout dernier ouvrage du pape Jean Paul : Mémoire et Identité. « Prêtez attention, lui dis-je, à l’amour formidable que cet homme porte à son pays. Si vous lisez ce livre, vous verrez un homme qui connaît TOUT de l’histoire et de la sociologie de son pays ; ses combats politiques, la grandeur de sa littérature et de son art, ses traditions spirituelles, l’ethos particulier de son peuple. Il connaissait ses tragédies et ses triomphes. Il avait absorbé la culture de son pays et l’a incarnée : « sa réponse particulière aux questions fondamentales sur Dieu et le sens de la vie, et à cette question fondamentale : « Comment devons-nous vivre par rapport à l’amour qui nous a été donné et auquel nous sommes appelés ? » Quand vous, en tant qu’Américain, connaîtrez l’histoire et la culture de votre pays et son ethos spirituel aussi bien qu’il connaissait les siens, sans excuser les défauts de votre pays ni surestimer ses qualités, et que vous serez capable de tout comprendre à la lumière de la foi de l’Eglise, alors vous commencerez à comprendre ce que c’est que d’être « Américain », « Catholique » et « patriote. »
« Après avoir fini, lui dis-je en prenant la porte, lisez la « Cité de Dieu » de St. Augustin. »
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/americancatholicpatriot.html