Puis-je ajouter mon grain de sel à propos de Luc Ferry? C’est d’autant plus étonnant de ma part que je ne suis pas loin de penser qu’on en fait un peu trop dans les médias à propos de notre philosophe, ancien ministre de l’Éducation nationale .Mais c’est la loi du genre. Quand un personnage entre dans la mécanique des médias parce qu’il a donné prise à polémiques, on ne le lâche plus, on s’acharne. Le malheureux peut se débattre, il est fait comme un rat. Bien sûr, on va me rétorquer: vous le défendez, vous êtes donc prêt à avaliser sa déclaration de Canal + qui a provoqué tout ce charivari. Non, je n’avalise rien du tout. Incontestablement, l’intéressé s’est mis dans un mauvais pas à la suite d’une imprudence qui était peut être une naïveté. Mais je ne veux pas m’engager sur ce terrain qui est dangereux. Confondre un plateau de télévision et un dîner un ville où l’on fait état des potins du jour, c’était incontestablement imprudent.
Mais est-ce une raison pour s’acharner contre un homme? Que veut-on, en définitive: l’abattre moralement, le déconsidérer? Je connais Luc Ferry depuis les années 80. C’est quelqu’un de sympathique, d’ouvert à la discussion, c’est même quelqu’un de courageux qui s’engage non sans risque sur le terrain des idées et de la politique. Ce qu’il a tenté de faire comme ministre, rue de Grenelle, l’exposait à prendre bien des coups. Et il n’est pas si commun qu’un intellectuel consente à incarner ses convictions sur le terrain. Je le dis d’autant plus volontiers que j’ai des désaccords avec Luc Ferry dont je conteste philosophiquement l’athéisme. Non que je lui reproche de ne pas avoir la foi, ce serait absurde. J’ai simplement des objections à énoncer sur une mise entre parenthèse, voire une mise hors jeu de Dieu dans la conscience personnelle et dans la cité. Mais par ailleurs, j’ai plutôt apprécié son attaque très ciblée contre « la pensée 68 ».
Si donc j’interviens aujourd’hui, c’est pour dire qu’on peut discuter librement avec Luc Ferry, éventuellement lui faire des reproches. Ce que je n’aime pas, c’est ce qui ressemble à une attaque ad hominem et même parfois à une chasse à l’homme.
Chronique du 14 juin sur Radio Notre-Dame