LES MORMONS, LES CATHOLIQUES ET LA CANDIDATURE ROMNEY - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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LES MORMONS, LES CATHOLIQUES ET LA CANDIDATURE ROMNEY

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Pourquoi ne peut-on pas soutenir la candidature de Mitt Romney à la présidence des Etats-Unis ? Warren Cole Smith l’explique dans un texte publié sur les portails catholique et évangélique du site internet Patheos : « Un vote pour Romney est un vote pour l’Eglise LDS » (Ndt : Latter Day Saints Church : l’Eglise des Saints des Derniers Jours, dite religion mormon ; Mitt Romney, un Mormon, est ancien gouverneur républicain de l’Etat de Massachusetts). Ceci me rappelle les pamphlets anti-catholiques publiés lors de la campagne présidentielle du sénateur John F. Kennedy.
Les catholiques familiers avec l’élection de 1960 reconnaîtront dans le texte de M. Smith le genre de comédie qui s’était jouée contre eux et leur foi il n’y a pas si longtemps. Qu’on en juge par cet extrait du propos de M. Smith :

« La vision chrétienne nous enseigne qu’il y un lien ténu entre les croyances et les valeurs et comportements qui en découlent. Si les croyances sont erronées, le comportement sera finalement – mais inéluctablement – faussé. Le Mormonisme est particulièrement inquiétant de ce point de vue car les mormons croient en la « Révélation permanente ». Ils peuvent professer une chose aujourd’hui et une autre demain. Les mormons ont ainsi changé leurs opinions, par exemple, sur le mariage et sur la race. La polygamie fut longtemps un trait distinctif de leur religion. Aujourd’hui, bien sûr, elle ne l’est plus. Les mormons interdisaient aux Noirs l’accès à des postes de responsabilité. Aujourd’hui, ils ne le font plus. Quand d’autres changements ? »

Par où commencer ? D’abord, la vérité de l’affirmation que « si les croyances sont erronées, le comportement sera finalement – mais inéluctablement- faussé » dépend de la validité de la croyance en question et non de la validité globale de la vision d’ensemble dont elle découle. Par exemple, supposons que M. X, Mormon, croit que le mariage est la communion dans une même chair entre un homme et une femme, et s’aligne ainsi sur la Tradition catholique, bien qu’il croit dans cette interprétation du mariage parce qu’il l’a entendue d’un prophète mormon et qu’il croit que la parole de ce prophète est infaillible sur ce sujet.
Bien que, comme Catholique, je ne crois pas que les prophètes mormons soient de vrais prophètes, ceci ne veut pas dire que je pense que ces prophètes mormons ne puissent pas exprimer des croyances qui soient vraies. Après tout, le mormonisme s’est développé à partir du protestantisme américain du XIXe siècle, qui est lui-même le produit du schisme du XVIe siècle avec la chrétienté catholique. Il n’est donc pas étonnant pour cette raison que l’on découvre que les Saints des Derniers Jours pensent beaucoup de bonnes choses sur la nature de la vie morale et de la société civile, même si l’on peut avoir de bonnes raisons de croire que le mormonisme comme tradition théologique est erroné. 

Affirmer que l’on peut avoir de bonnes raisons de rejeter une tradition théologique particulière telle que le mormonisme, l’islam ou la science chrétienne (ndt : secte protestante créée par Mary Baker-Eddy à Boston en 1876) tout en proclamant en même temps que cette tradition comporte des croyances qui sont néanmoins vraies n’a rien d’incohérent. M. Smith pense néanmoins qu’une croyance est fausse si elle se rattache à une vision d’ensemble fausse. Ceci ne peut pas être puisque c’est le cas de la majorité des gens qui professent une foi que nous tenons pour erronée et qui pour autant défendent des croyances que nous tenons pour vraies, qui découlent de leur foi mais qui peuvent être défendues comme vraies indépendamment de celle-ci.

En second lieu, M. Smith semble prétendre que parce que la théologie mormone a changé au cours des ans sur la base des directives d’un magistère irresponsable, en conséquence on ne pourrait pas faire confiance aux candidats mormons pour qu’ils professent toujours les croyances qu’ils partagent aujourd’hui avec les chrétiens traditionnels. Ceci rappelle le vieux canard anti-catholique selon lequel il ne fallait pas voter pour le sénateur Kennedy parce qu’il aurait pris ses ordres auprès du pape. Ainsi de même qu’un candidat catholique devait écouter sans réfléchir le Souverain Pontife (appellation fréquente pendant la campagne électorale de 1960), un candidat mormon devait obéir à sa hiérarchie autoritaire et capricieuse.
Dans les deux cas, la critique porte sur une compréhension unidimensionnelle et superficielle du développement doctrinal. Pour prendre par exemple les deux cas cités par M. Smith – la polygamie et la prêtrise -, dans les deux cas l’Eglise Mormone a évolué dans la direction du catholicisme, de l’orthodoxie et des réformés, qui ont tous rejeté la polygamie et les critères raciaux d’accès aux ordres. Ainsi donc, loin d’être un signe qui augure d’un avenir d’arbitraire théologique chez les mormons, ces évolutions sont des développements positifs et raisonnables de la doctrine mormone que des chrétiens traditionnels doivent approuver et soutenir. Ces évolutions peuvent être vues comme la preuve que le mormonisme se rapproche des engagements moraux et doctrinaux des communautés chrétiennes dont il s’était détaché au dix-neuvième siècle.
Troisièmement, les changements internes au mormonisme semblent être beaucoup plus modestes que ceux que l’on trouve au sein du protestantisme évangélique de M. Smith. Par exemple, sur des sujets tels que l’ordination des femmes, l’avortement, la contraception, le divorce, le châtiment éternel, la définition chalcédonienne de l’incarnation, le baptême des enfants, l’ecclésiologie, la nature de Dieu, et même le littéralisme des Ecritures, les évangéliques ont, au cours des cinquante dernières années, professé des vues extrêmement variées que beaucoup d’universitaires évangéliques considèrent toutes comme se situant à l’intérieur des limites de l’orthodoxie.

Toutefois, à l’inverse du mormonisme, ou même du catholicisme et de l’orthodoxie orientale, il n’existe au sein de l’évangélisme aucun magistère qui soit tenu par les déclarations doctrinales de ses prédécesseurs, tels que conciles de l’Eglise ou catéchismes officiels. Le pasteur Rick Warren de l’Eglise de Saddleback (ndt : un des prédicateurs évangélistes dites des Méga-Churches) dispose d’une plus grande latitude pour changer la doctrine de son Église que n’en ont le Pape Benoît XVI ou le président des mormons Thomas S. Monson pour bricoler la leur.

La morale de cette histoire est que l’on doit considérer la tradition théologique de l’autre avec au moins autant de charité et de rigueur que celles que l’on est en droit d’attendre de l’autre pour la sienne. (Cette dernière phrase va probablement, je le sais, revenir me hanter).

http://www.france-catholique.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=7262