LE BIEN COMMUN ET LES CATHOLIQUES CONSERVATEURS - France Catholique
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La justice de Dieu
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LE BIEN COMMUN ET LES CATHOLIQUES CONSERVATEURS

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Les Catholiques qui se qualifient de « progressistes » ont exercé un quasi monopole sur les concepts les plus familiers de l’enseignement catholique social : le bien commun, la solidarité, la justice sociale, et l’option préférentielle pour les pauvres. Ces principes font partie intégrante de la vision catholique de la société et du rôle de l’Etat. De leur côté, des Catholiques de tendance plus conservatrice ont mis en valeur d’autres aspects de la doctrine sociale de l’Eglise : la subsidiarité, la dignité de la personne, la fonction créative des marchés.

Bien que ces derniers principes, d’inspiration personnaliste, soient essentiels à tout enseignement catholique social, en dehors de la dimension communautariste, la Droite tend à virer à une imitation ouvertement idéologique et quasi-libertaire de la doctrine de l’Eglise. Au même moment, la Gauche minimise la subsidiarité et les droits des corps intermédiaires ; ses vieilles habitudes étatistes tendent à tout ramener sous la coupe écrasante du gouvernement.

Par voie de conséquence, les éléments communautaristes et personnalistes de l’enseignement social de l’Eglise ont tous deux été largement envisagés à travers le prisme des appartenances politiques . Les « écoles » personnaliste et communautariste de la doctrine sociale catholique tendent à se réduire à des positions quasi-libertaires et quasi-socialistes qui reflètent leurs camps politiques respectifs. Ces visions réductrices des principes de l’enseignement social catholique sont inutiles et moralement inadéquates.
Contrairement aux idéologies politiques de droite et de gauche, les principes personnalistes et communautaristes ne sont pas fondamentalement opposés mais complémentaires. Les libertaires et les socialistes peuvent adhérer à des idéologies incompatibles, mais pour les Catholiques, le bien commun n’est jamais en « tension » (encore moins en opposition) avec la dignité et l’autonomie de la personne humaine. La subsidiarité n’est pas à « compenser » par la solidarité. L’érosion de la solidarité met toujours en danger la subsidiarité. En l’absence de subsidiarité, la solidarité est étouffée par la dépendance à l’égard de l’Etat. La dignité de la personne ne peut jamais être sacrifiée au nom de l’utilité publique, et aucun profit individuel ne peut légitimement être acquis au détriment du bien commun.

Ceux qui, comme le président Obama, proclament que la grandeur nationale se mesure à – et même est conditionnée par – notre volonté et notre capacité à aider les plus pauvres d’entre nous, ont raison. Là où les personnes sensées peuvent ne pas être d’accord est la manière dont notre société, et donc l’Etat, remplissent nos engagements envers les pauvres et les marginaux.

Penser que le seul moyen moralement de promouvoir le bien commun est d’accroître les énormes programmes d’assistance sociale créés au milieu du XXe siècle, dont le coût a déjà conduit ce pays sur la voie de la faillite, est la preuve d’un manque stupéfiant d’imagination politique (ou d’un extraordinaire orgueil historique).

Si un surcroît d’impôts et de dépenses publiques se révélait effectivement bon pour la société, nul esprit responsable ne saurait s’y opposer. Si plus d’Etat, et plus de sécurité sociale, étaient requis pour atteindre le bien commun, en tant que Catholiques, nous serions moralement tenus d’y adhérer. Mais, sans préjugé idéologique, d’un simple point de vue de vérité expérimentale et de jugement prudentiel, il est clair que le système actuel n’est pas entièrement convaincant, c’est le moins qu’on puisse dire.
Est-ce que cela « canonise » pour autant les politiques proposées par les conservateurs ? Non. Mais si la promotion du bien commun est effectivement la mesure de la justice sociale, alors les propositions de réforme des droits sociaux telle que celle récemment introduite par Paul Ryan (ndt : tête de file du parti républicain) et votée par la Chambre des représentants (ndt : à large majorité républicaine) l’emportent sur celles du président Obama – du point de vue de la promotion de la justice sociale et du bien commun.

Il y a deux décennies (ndt : présidence de Bill Clinton), la réforme du système d’assistance sociale l’a emporté non parce qu’il y a eu un basculement de la société américaine dans le camp néo-libertaire, mais parce qu’il était devenu évident que les programmes d’assistance, tels qu’ils existaient, étaient contre-productifs, et qu’ils allaient à l’encontre du bien des communautés qu’ils étaient supposés aider et à l’encontre du bien de la communauté dans son ensemble.

De nombreux catholiques progressistes étaient inquiets à la pensée que les réformes allaient aggraver la situation des désavantagés et donc contredire à l’option préférentielle pour les pauvres défendue par l’Eglise. Bien au contraire, le président Clinton, dans un article au New York Times en 2006, a révélé que, alors que le nombre de personnes inscrites à l’assistance sociale a diminué, « la pauvreté infantile était tombée à 16,2% en 2000, le pourcentage le plus bas depuis 1979 ; en 2000 le pourcentage des Américains bénéficiant de l’assistance sociale a atteint son plus bas niveau depuis quatre décennies. »

Nous en sommes arrivés presque au même point. De nombreux progressistes considèrent la réforme des droits sociaux comme une abdication de la responsabilité morale, une trahison du bien commun. Si cette réforme, dont le pays a absolument besoin, devait voir le jour – et il semble que toute réforme de ce genre ne peut venir que des conservateurs -, ceux qui défendent cette réforme doivent pouvoir apporter la preuve qu’elle ne sert pas seulement des individus mais le bien commun (confer le récent débat entre Paul Ryan et l’archevêque de New York Timothy Dolan, qualifié de bon début).

Les Catholiques qui sont sincèrement engagés dans la promotion de l’intégralité des enseignements sociaux de l’Eglise doivent regarder plus attentivement les résultats des politiques qu’ils soutiennent. Les politiques qui défendent la subsidiarité et la liberté des marchés tout en promouvant la liberté et la responsabilité individuelles sont bonnes et nécessaires. Mais les avocats de ces biens sociaux ne doivent pas négliger les arguments – politiquement et moralement plus importants – en faveur du bien de tous, tout en se conformant à l’espoir des Pères Fondateurs en faveur d’une « union plus parfaite ».


Source » : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/catholic-conservatives-and-the-common-good.html